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Un Blogue CathoGay
13 avril 2006

260. manger et être mangé

Une expérience récente (la semaine dernière) m'a donné l'idée d'une note pour ce Jeudi Saint. J'y ai repensé toute la semaine avec tendresse et émotion. J'étais à table avec un ami et je me suis rendu compte qu'en fait, je le mangeais lui, beaucoup plus que je ne mangeais la nourriture. Si l'expression dévorer des yeux a du sens, c'est encore plus vrai durant un repas. Et je me suis rendu compte que c'est aussi ce que je fais chaque fois que j'invite des amis à la maison: en leur donnant à manger, c'est moi-même que je donne à manger. Quand on aime, nos repas sont plus un lieu où l'on communie l'un à l'autre que des lieux où l'on prend la nourriture qu'il faut pour vivre. C'est pour ça que les repas sont tellement importants pour construire la famille, le couple, l'amitié...

Quoi d'étonnant alors que ce que nous faisons tous les jours, chacun à notre manière, durant nos repas, Jésus le fasse totalement, passionément, une fois pour toute, pour chacun d'entre nous.

Il n'y a donc rien de mystérieux à ce que, lors de son dernier repas, il prenne du pain, et qu'il dise (en le faisant vraiment), "prenez et mangez en tous, ceci est mon corps". Et il n'y a rien de mystérieux non plus à ce que la force et absolue de son amour rend ce geste totalement vrai, alors que mes humbles repas (bien qu'ils soient mémorables) n'ont pas la même force de communion.

Tout comme mon ami et moi nous racontions notre vie et les mangions ensemble (avec délectation), communiant l'un à l'autre, de même Jésus se donne à nous tout en communiant à nos vies.

Par contre, là où est le mystère (au sens grec du mot: silence, distance, révérence), c'est que Jésus se donne à moi sans conditions, sans rien exiger, sans menacer de représailles au cas où je ne serais pas prêt, ou pas pur, ou pas conforme. Tout comme j'étais absolument ravi (le ravissement, quel beau mot) de mon repas avec mon ami, de même qu'avec Jésus, j'ai ce sentiment que celui qui se donne à moi est tellement beau, tellement, fort, tellement tout aimant que j'en reste muet de ravissement.

C'est probablement aussi l'expérience que Jean, le disciple que Jésus aimait, a vécue ce soir du Dernier Repas. Couché à table, il se penche en arrière pour appuyer sa tête contre l'épaule droite du Christ et recevoir de sa main les meilleures bouchées. Tout à son ravissement devant ce Jésus qui est son Maître depuis plusieurs années, il communie à sa présence. Mais surtout, Jean ressent plus que les autres le caractère total de ce don de soi dans un repas. Il sent probablement mieux que les autres, Pierre en particulier, que Jésus anticipe sa mort et le fait de livrer sa vie plutôt que de la conserver.

Daniele Crespi - La Dernière Cène

Bien sûr, pour les cathogay comme pour tous les chrétiens homosexuels, ce disciple que Jésus aimait et qui passe tout le repas blotti contre Jésus, parle tout de suite au coeur et au corps. S'il y a bien un endroit de la scène où les chrétiens homosexuels se voient immédiatement, c'est à la place de ce disciple bien aimé.

Et en participant ce soir à l'Eucharistie du Jeudi Saint, je souhaite que chacun d'entre vous (homo ou non, d'ailleurs), soit à la première place du repas de Jésus, recevant de lui la meilleure part du repas et faisant l'objet de toute sa tendresse.

Bréviaire d'Ingeburg - La Dernière Cène

Mais surtout, je n'oublierai pas que le mot eucharistie signifie action de grâce. Et tout comme le Christ l'a fait durant la Grande Prière Eucharistique (rapportée dans l'Evangile de Jean, tiens donc), je rendrai grâce et je remercierai le Seigneur pour tout ce qui m'est arrivé de grand et de beau cette année, pour tous ces visages qui ont éclairé ma vie, pour toutes ces fois où j'ai ressenti sa présence en quelqu'un, ne fut-ce qu'une rencontre de passage.

Et je me fais une promesse à moi-même: où que la vie me mène, quel que soit le lieu de mon séjour, ma table sera toujours le lieu où je me laisserai manger et où je mangerai mes invités. Et Jésus sera le premier invité.

Steve Walker

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