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Un Blogue CathoGay
12 mars 2007

397. Croire au-delà de la rancune

Il y a deux moments forts, je trouve, dans le pontificat de Jean-Paul II: la rencontre inter-religieuse d'Assise (le 27 octobre 1986), mais surtout la demande de pardon pour les fautes commises au nom de l'Église, le 12 mars 2000, à l'occasion du Jubilé de l'Année Sainte.

Deux actes très personnels du pape (il y a mis tout le poids de son prestige et de son autorité), mais aussi deux des choses qui lui ont été le plus reprochées par les conservateurs dans l'Église (avec aussi sa lenteur à punir les mauvais). Il se dit, d'ailleurs, que le cardinal Ratzinger n'a pas toujours compris intellectuellement la démarche du pape, même s'il l'a soutenue dans la foi et la fidélité.

Pourtant, selon moi, c'est un pas en avant très évangélique dans la manière de comprendre ce qu'est l'Église. Pour résumer la pensée de Jean-Paul II: sans préjuger de la responsabilité de chacun, ni du regard de Dieu qui seul connaît le coeur de chacun, nous sommes tous ensemble responsables du mal fait au nom de notre Église,... et moi, le pape, le premier.

Et donc, moi qui suis le pape, dit-il, aujourd'hui devant tous je demande pardon mais aussi je pardonne tout le mal qu'on nous a fait. Pas de rancune vis-à-vis des autres, mais aussi pas d'arrogance dans le fait de croire que nous avons toujours eu raison.

Dès lors, je trouve qu'un tas de couplets de la propagande habituelle se dégonflent complètement...

L'Église est sainte et composée de pécheurs? Une pensée dépassée puisque l'Église demande pardon. Fini le temps où il suffisait de dire: les Chrétiens sont pécheurs (même les papes) mais l'Église est sainte.

Tout ce que l'Église a fait était toujours en conformité avec la volonté du Christ? Ce n'est pas ce que Jean-Paul II a affirmé à genoux au pied de la croix en demandant pardon. Finies toutes les gesticulations pour justifier l'injustifiable.

Le pape ne se trompe jamais? Une notion dépassée, puisqu'un pape demande pardon pour les fautes qu'il aurait pu commettre. Plus besoin que des théologiens dépensent des énergies intellectuelles considérables à justifier des erreurs du passé.

On est catholique quand et seulement si l'on est d'accord avec le pape actuel? Ce n'est pas exact, puisque la demande de pardon du pape se base sur tout ce que des chrétiens ont répété pendant des siècles: ce que nous avons fait ici ou là ou dans telle circonstance était mal. D'ailleurs, il est de notoriété publique que Jean-Paul II tolérait beaucoup de différence d'opinion avec lui, du moment qu'on reconnaissait son autorité en tant que pape.

Ceux qui disent du mal de l'Église ne peuvent qu'être ses ennemis? Pas toujours, puisque le pape lui-même accepte des reproches qu'on a pu lui faire. C'est comme ceux qui ne supportent pas qu'on dise du mal de ceux qu'ils aiment. Un jour, il faut bien qu'ils grandissent.

Du coup, des cathogay comme moi s'en trouvent justifiés dans leur attitude : ce n'est pas "mal" ou "péché" de dire aux hiérarques de l'Église qu'ils se trompent, notamment dans le traitement des minorités sexuelles. En fait, je ne fais qu'anticiper sur la prochaine demande de pardon d'un prochain pape, lors d'un prochain Jubilé. Plus encore, nous la rendons possible. Nous la rendons plus proche dans l'avenir.

Et surtout : nous en vivons déjà par anticipation. Nous vivons déjà aujourd'hui comme si ce prochain pape avait déjà franchit le pas.

Pour ceux qui comprennent le terme, ça s'appelle "vivre dans l'espérance". Et espérer, ce n'est pas avoir l'évidence de ce qu'on espère, mais plutôt le contraire.

D'un autre côté, cette fois en paraphrasant James Alison, il est bon de vivre en n'ayant aucune rancune vis-à-vis des responsables de l'Église. Les homo catholiques n'ont rien à gagner à mijoter dans le ressentiment ou le souvenir du mal qu'on leur a fait (ou qu'on leur fait). Ces hiérarques ont un chemin à faire vers nous, et ça va leur prendre encore du temps.

Certes, on peut continuer à leur faire des reproches (en particulier parce que c'est une question de justice). Mais pas de rancune, ni de ressentiment. C'est d'ailleurs le titre de l'avant-dernier livre (que je vous recommande) de James Alison : Faith Beyond Resentment. En attendant que les éditions du papa de Bambi veuillent bien le traduire... Et un petit coucou du côté d'Ichtus...

Comme l'écrit James Alison, c'est à l'Église de faire un pas vers nous, les minorités sexuelles. Pour notre part, c'est déjà assez de ne pas lui garder de rancune (malgré tous les reproches qu'on peut lui faire).

Enfin, je ne serais pas surpris que ce geste prophétique de Jean-Paul II, un 12 mars, ne passe totalement aux oubliettes pour quelques temps. Manifestement, ce n'est pas l'air du temps. Il n'y a évidemment pas une trace de cet anniversaire nulle part dans la presse catholique. Tout juste une mention au fait que la cause de canonisation de JP2 avance.

M'en tape. Moi, je lui dit merci. Et bravo.

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