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Un Blogue CathoGay
2 avril 2007

405. le comité de l'écoute

Je suis tombé sur un article du site anglais Ekklesia qui, selon ses termes, est un réservoir de réflexions (litt. think tank) pour faire avancer l'Église, notamment dans ses rapports avec le monde, la politique, la culture, etc. C'est parfois anglo-anglais, mais il y a toujours du sens à chercher dans les histoires locales, je trouve.

Ainsi, par exemple, une déclaration de l'archevêque de Canterbury, Primat d'Angleterre et président de la Communion Anglicane. Mgr Rowan Williams estime que les églises devraient être des sanctuaires pour les homo, et non le contraire. Les minorités sexuelles devraient trouver un refuge dans les églises quand la société civile les agresse.

On pense qu'il fait référence à la situation du Nigeria, où son collègue, l'archevêque et Primat Akinola a mis tout son poids dans la promotion d'une loi contre l'homosexualité (et surtout contre les homosexuels).

Mgr Williams a raison de rappeler que c'est une chose de dire aux homo qu'ils sont des pécheurs et de s'opposer à ce qu'ils aient une place reconnue dans la société, mais c'est tout autre chose d'organiser une véritable persécution contre eux. La défense du bien, c'est une bonne chose. La chasse au "pécheur" dans la société et sa punition publique, ça sent vraiment très mauvais. Et quand il s'agit de faire la chasse au pédé, accusé de tous les maux de la terre, le fait même qu'on en ait eu l'idée est grave.

En effet, dans le concret de la loi en préparation au Nigeria, il est question de peines brutales contre toute forme de couple, de militance et de défense des droits des homo, et même contre toute manifestation publique d'affection considérée comme homosexuelle. Néanmoins, les associations gay locales semblent montrer un optimisme prudent.

Un de mes amis, avec qui j'en discutais, se demandait s'il ne s'agit pas une fois de plus d'un prétexte: l'homo est utilisé comme le Juif à d'autres époques, pour distraire l'attention de la masse. Il se dit que les primats anglicans "du sud" (avec celui du Nigeria comme figure de proue) ont de plus en plus de mal à justifier qu'ils refusent encore et toujours l'accès des femmes au sacerdoce, et a fortiori de partager avec elles le pouvoir dans l'épiscopat. Ils ont encore une vision assez "monarchique et masculine" de leur position.

D'où, toujours selon mon ami, l'urgence pour ces primats de trouver un moyen de sortir de la Communion Anglicane sans avouer qu'ils le font pour refuser l'égalité homme-femme. Et l'affaire "homo" devient alors l'excuse toute trouvée pour quitter le navire anglican "avec les honneurs" avant d'avoir à donner une place aux femmes. Des machistes qui se posent en homophobes, pour donner le change: rien de neuf. Je ne sais pas si cette analyse est exacte mais se non è vero...

Ceci dit, je n'ai pas d'information sur la position de l'épiscopat catholique au Nigeria, mais je trouverais assez anti-catholique (sans parler d'anti-évangélique et anti-chrétien) qu'il s'associe à cette "chasse aux sorcières". Je veux espérer que, dans ce domaine, les évêques catholiques se sont abstenus de participer à toute hystérie homophobe...

Mais à part cette situation locale, l'article sur le commentaire de Mgr Williams fait référence au Processus d'Écoute, et donc j'ai été voir de quoi il s'agit. Vous trouverez les informations sur le site officiel de la Communion Anglicane. Je trouve ça très très sain comme attitude théologique et pastorale. On fait souvent souvent le reproche aux Anglicans de s'enterrer sous les comités et les palabres, mais il faut reconnaître qu'il y a ici de quoi inspirer tous les autres.

En gros, voilà ce que j'ai compris. Les autorités religieuses anglicanes se sont souvenues qu'on n'arrivera pas à parler valablement à des gens (ici, les homosexuels) du message de l'Évangile qui les concerne tous, si l'on n'a pas d'abord fait un effort pour les écouter, pour manifester de l'empathie vis-à-vis de ce qu'ils sont et de ce qu'ils vivent. Pas d'annonce de la Bonne Nouvelle sans qu'elle ne soit adaptée à ceux qui doivent la recevoir. C'est Pierre à Césarée, chez le centurion Corneille (au début des Actes des Apôtres): c'était un gros effort pour lui de faire la route et surtout d'entrer chez un païen.

Ce Processus d'Écoute n'implique pas, bien sûr, que les responsables de l'Église vont se mettre du côté des homo au terme des débats et des rencontres. Mais au moins, on accepte l'idée qu'il n'y a pas de parole responsable d'une autorité d'Église qui n'ait pas commencé par une sérieuse écoute. L'Église écoute d'abord et ensuite seulement annonce.

Dans le concret, chaque Église membre de la Communion Anglicane (les Provinces) devait organiser des rencontrers avec les minorités sexuelles et produire un rapport. Hélas, il faut bien constater que celles qui manifestaient de l'homophobie au départ du processus sont restées sur leurs positions. En fait, à part l'Ouganda, il y a eu peu de documents produits dans "le sud"... Et à l'exception très courageuse de l'Afrique du Sud, les rapports des Églises les plus réfractaires aux homo reprennent des positions connues, limitées à des déclarations de zéle charitable pour la conversion des "pauvres" homosexuels.

Néanmoins, il y a quelques très beaux documents, notamment aux États-Unis, au Pays de Galles, en Nouvelle-Zélande, pour ne parler que de ceux que j'ai parcouru.

Du coup, je me mets à rêver...

Imaginez le pape, ou même simplement une conférence épiscopale locale, qui dirait: "avant de produire des documents sur ce qu'il faut faire quand on est homosexuel ou comment il faut leur apporter un service pastoral, nous allons d'abord organiser une ou deux années d'écoute de ce qu'ils ont à raconter sur leur réalité, leur vécu, leurs besoins pastoraux, leur particularité".

Et on verrait, de ville en ville, d'une université catholique à l'autre, d'une faculté de théologie à l'autre, défiler des représentants d'associations homosexuelles, de cathogay, qui viendraient parler à des évêques, à des théologiens, de leur vie de prière, de leur foi, de leurs vies de couple et de famille (avec leurs joies, leurs peines et leurs difficultés), etc. Des hommes, des femmes, des jeunes, des adultes, des séniors, des malades, des célébrités et des inconnus, des érudits et des simples, et pourquoi pas des prêtres et des religieux. Ils raconteraient le Jésus qu'ils connaissent, comment il leur parle, ce qu'ils ont découvert dans leur lecture de l'Écriture, dans leur participation aux sacrements, dans leur vie associative, etc.

Une ou deux très belles années à se parler, à se raconter...

Et au bout de tout ça, on ferait un grand et beau rapport sur ce que représente l'énorme variété du monde des minorités sexuelles, et surtout de ses besoins d'évangélisation. l'Église reconnaîtrait qu'il y a là un grand et beau champ pastoral qu'il est de son devoir missionnaire de s'y engager.

Seulement alors, après tout ce Processus d'Écoute, le Vatican (ou la conférence épiscopale concernée) sortirait un document intitulé, par exemple, "Une Bonne Nouvelle annoncée à tous, et à vous aussi, les minorités sexuelles". Un document que j'imagine assez difficile parce qu'exigeant (mais pas pénible), mais aussi très inspirant. Un document où l'on pourrait lire l'appel particulier à la sainteté que le Seigneur adresse à chacun d'entre nous...

Pour l'instant, les cathogay de par le monde en sont toujours à dire aux hiérarques : "nous avons une histoire à vous raconter, notre histoire sainte avec le Christ". Un peu comme le centurion Corneille qui a envoyé un message à saint Pierre pour qu'il vienne le voir. On attend Pierre... Le temps qu'il faudra. En effet, le pauvre, il a une fameuse route à parcourir avant d'arriver jusqu'à Césarée... Sans parler de ses débats intérieurs... D'ailleurs, dans notre cas, je ne suis même pas sûr que Pierre se soit seulement mis en route... ou même qu'il sache où Corneille habite... ou tout simplement qu'il ait reçu le message...

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