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Un Blogue CathoGay
6 avril 2007

409. litanies propres

Je ne suis pas un expert en théologie ou en liturgie (loin de là). Mais je me demande s'il n'y a pas une tendance, dans beaucoup de célébrations du Vendredi Saint, à vivre la mise en croix du Christ comme si l'on était tous gagnés d'amnésie, comme si l'on oubliait tous le Dimanche de Pâques.

Je suis bien sûr très sensible à tout ce qui contribue à associer aujourd'hui les chrétiens au sacrifice du Christ sur la croix. Les scènes de l'Ecce Homo, de la Mater Dolorosa, de la Pieta, parlent au coeur et aux tripes, en particulier chez les Catholiques.

Néanmoins, je sens souvent que le Christ célébré par beaucoup de fidèles et dans beaucoup de paroisses est uniquement le Souffrant. Comme si c'était la souffrance qui avait vaincu la mort, alors que c'est l'amour sacrifié...

Or, dans l'expérience des premiers chrétiens, la croix du Christ n'avait aucun sens, sinon le désastre et l'échec, tant qu'ils n'avaient pas entendu (de la bouche du Christ lui-même) la Bonne Nouvelle de sa résurrection.

C'est un peu comme les vétérans d'une grande guerre: ils ne racontent leurs épreuves avec vérité qu'après la fête de la victoire. Sinon, ce n'est que le récit d'un traumatisme terrible, et on ne fait que le revivre. Un récit qui n'apporte rien sinon de prolonger les souffrances et leur donner une nouvelle victoire.

De même, il est bien vrai qu'au pied de la croix se trouvaient Marie, sa mère, et le disciple qu'il aimait, ainsi que quelques femmes qui l'avaient suivi depuis le début, dit l'évangile. Et on a raison de rappeler que chacun d'entre nous est situé à l'intérieur de ce groupe: je vous souhaite, dans votre prière d'aujourd'hui, de vous voir et de vous sentir entre Marie, Jean et Marie-Madeleine. Je vous souhaite de vivre cette journée avec eux.

Néanmoins, qu'est-ce que Marie, Jean ou la Madeleine ont partagé de cette expérience plus tard aux autres disciples? N'ont-ils pas relu cette terrible épreuve à la lumière de Pâques? Ce n'est pas à côté de la Marie, du Jean ou de la Madeleine "historiques" que nous nous tenons aujourd'hui... Ceux-là, d'une certaine manière, sont morts. Non, la "compagnie" du Crucifié est composée de gens qui sont aujourd'hui vivants et qui partagent sa résurrection. Et c'est au côté de ces ressuscités que je vous souhaite de relire la Passion de Jésus.

Voilà pourquoi, me semble-t-il, la prière solennelle des intentions a tellement d'importance durant la célébration de ce Vendredi Saint: il n'y a pas de sens à prier un mort, alors qu'il est parfaitement juste de prier un vivant. Si l'on ne lisait ce soir "que" la Passion (ou si on ne célébrait "que" le Chemin de Croix"), on risquerait d'oublier que celui que l'on prie aujourd'hui, c'est le Christ Ressuscité.

C'est notre rôle à tous, nous qui croyons que la mort du Christ a trouvé son sens dans la Résurrection, de faire mourir avec lui tout le mal, toute la souffrance, toutes les larmes. Pas seulement pour partager ces douleurs, mais surtout pour vivre l'espérance de leur destruction dans le Christ. Aujourd'hui, il est juste de pleurer, mais ce ne sont pas des larmes de désespoir, mais des larmes de gratitude pour le prix de la victoire.

Certes, c'est le Christ qui meurt aujourd'hui. Mais plus encore, ce qui meurt sous nos yeux, c'est le mal. C'est dur à vivre, mais ce n'est pas inutile. Comme il est dur de jeter une graine en terre...

Hélas, parmi ceux que la prière de l'Église place aux pieds de la Croix aujourd'hui, on ne trouvera les minorités sexuelles que dans la catégorie des pécheurs qui ont besoin d'un sauvetage pratiquement désespéré...

Alors, comme l'an dernier, j'ai composé mes propres litanies du Vendredi Saint. Et quand l'assemblée ira vénérer la Croix ce soir, je vais déplier mon petit papier et prier pour (dans le sens de "à la place de") chacun de ceux qui sont des nôtres.

Ce sont les mêmes litanies que l'an dernier. Sauf que j'y ai ajouté une phrase pour les homo qui parlent contre eux-mêmes. J'ai découvert cela en lisant un extrait du roman Vatican 2035 que vous pouvez lire ici, dans le blogue de Xavier36 sur GayAttitude. C'est vrai: l'une des peines les plus terribles que l'on inflige aux cathogay, c'est qu'ils doivent parler contre eux-mêmes, et dire du mal de ce qu'ils sont parce que "l'Église dit que c'est comme ça". Nul ne devrait avoir à parler contre lui-même... C'est un droit élémentaire de l'homme...

Bon Vendredi Saint, profond, serein, mais aussi certain que, dans le Christ, le mal est en train de mourir sous nos yeux.

 

Que meure avec le Christ toute la haine contre les homo
et cette ignorance qui nous diabolise.
Que meurent avec le Christ toutes ces insultes
que même un enfant de 4 ans utilise
et qui nous blessent dès notre plus jeune âge.
Que la Mort du Christ tue à tout jamais
le suicide des jeunes homo, la haine de soi,
la honte qui étouffe l'action de grâce.
Que meure avec le Christ
les viols, les coups, les blessures.
Plus jamais de Matthew Shepard.
Plus jamais une exécution publique, un lynchage
ou une mutilation pour cause d'homosexualité.
Que le Crucifié emporte dans sa mort
la diffamation, la persécution, l'exclusion
dont les minorités sexuelles font l'objet.
Que sa Mort nous délivre
des traitements pseudo-médicaux de guérison,
de tous ces charlatans
d'une pseudo-science ou d'une pseudo-religion
qui torturent au lieu de guérir.
Qu'avec la Mort du Christ,
meure tout ce qui nous éloigne de son Père
qui est le Dieu d'Amour,
et que plus personne n'ait peur
de prier ou de s'adresser à Dieu
par crainte d'être jugé ou condamné par le Père.
Que cessent la peur d'être déplacardé,
la hantise que les autres sachent et s'éloignent de nous,
la crainte de faire de la peine à ceux qui nous aiment,
ou des problèmes sans fins
que notre orientation sexuelle pourrait créer
si elle était connue.
Que l'on n'ait plus à mentir dès le plus jeune âge,
mentir à ceux qu'on aime et se mentir à soi-même.
Qu’aucun homo n’ait à adopter des attitudes homophobes,
en paroles ou en actes,
par peur d’être démasqué ou de souffrir à son tour.
Qu'avec la Mort du Christ meurent
tous ces comportements de clandestins et de cafards
auxquels nous sommes contraints,
ces rencontres furtives qui sont tout ce qu'on peut parfois
grappiller comme chaleur humaine,
ces moments qui nous laissent sales.
Que disparaissent dans le Tombeau du Christ la solitude
et ce sentiment horrible d'être le seul homo au monde.
Et surtout, qu'avec la Croix du Christ, meurent en nous
la rancune, l'amertume, le cynisme, la vengeance, les larmes, le désespoir
et le goût de rendre le mal pour le mal.
Amen.

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