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Un Blogue CathoGay
7 avril 2007

410. communier pour les interdits

Ce soir, à la vigile pascale, je vais communier pour tous les homo qui sont interdits de communion, au nom de ceux qui sont exclus de la table eucharistique à cause d'une loi qui punit l'amour différent (qualifié de pseudo amour).

C'est l'histoire de Leah Vader et Lynne Huskinson, de la petite ville de Gillette, au Wyoming. Catholiques depuis toujours (Leah va à la messe chaque semaine depuis l'école primaire), elles trouvent dans l'eucharistie la force et l'inspiration de leur couple. En fait, c'est Leah qui a amené Lynne à la foi catholique en 1998 puis au baptême en 2000. Depuis lors, elles font partie de leur paroisse, de tout coeur.

À 45 ans, elles se décident à officialiser leur union, et un an plus tard elles vont au Canada pour se marier civilement. Même si ce mariage n'est pas légalement reconnu dans leur pays, elles trouvent que cela donne du sérieux à leur amour. Une façon aussi de montrer que ce n'est pas une simple cohabitation de femmes mais qu'elles sont une vraie famille.

La veille du Mercredi des Cendres, elles écrivent une lettre ouverte à leur parlement local pour s'opposer à un projet d'interdiction de toute forme d'union qui ne serait pas hétéro. Un journaliste a vent de leur lettre et leur demande une interview et un témoignage. Dans la gazette locale, elles parlent de leur amour, de leur engagement de couple, de leur famille (avec les enfants que Lynne a eu d'un premier mariage).

Au vu de cette publicité, leur curé, le père Cliff Jacobson, de Saint Matthew, décide de leur interdire la communion eucharistique. Il décide de leur appliquer le canon 915, celui qui enjoint le ministre de l'eucharistie d'interdire l'accès à la communion pour les "indignes", ceux qui sont dans une situation de péché public et aggravé (par exemple les divorcés remariés). Pour sa part, ce curé ne fait qu'appliquer les normes "pastorales" publiés par son évêque sur les "pécheurs publics".

Pire, cette interdiction est signifiée dans une lettre, par écrit. Ce qui, de mémoire locale et diocésaine, n'était jamais arrivé à quelqu'un d'autre. Comme si une simple communication verbale et face à face n'aurait pas été plus charitable (et plus humaine). Clairement, la lettre ne leur reproche pas d'être "pécheresses" (ça, tout le monde le savait dans la paroisse et, je dois le dire, s'en tapait absolument) mais d'en avoir fait l'aveu public et "non repentant". C'est l'obstination dans leur "péché" qui leur vaut cette mesure, dit le courrier.

La porte-parole de la conférence des évêques américains expliquait, au vu de l'affaire, que ce principe de l'interdit de communion a été voté à une très large majorité par la dernière assemblée des hiérarques, même si chacun est laissé libre de l'appliquer à sa manière dans son diocèse. Je croyais, naïvement je l'avoue, qu'il s'agissait de "normes pastorales" pour prendre soin des personnes ayant une tendance homosexuelles... Si l'exclusion de la communion eucharistie fait partie des "normes pastorales", ça en dit long...

Je résume donc: Nous avons ici un amour de couple, entier et fidèle, qui a pris des engagements civils ET religieux, qui a amené les deux femmes au Christ et à l'Eucharistie. Et la réaction c'est "la loi avant l'amour"? Suis-je le seul à trouver illogique (sans parler de scandaleux) d'exclure de la communion deux femmes parce qu'elles s'aiment trop ou "indignement"? Quel genre de message une telle attitude envoie-t-elle à tous les cathogay du monde en cette vigile pascale?

Imaginez Leah et Lynne, à la veille de Pâques, interdites de communion. Imaginez Lynne tentant d'expliquer à ses enfants pourquoi elles ne pourront pas aller communier avec eux, alors qu'elle a été baptisée dans une paroisse qui n'ignorait rien de sa vie de couple. Essayez de ressentir ce que vous éprouveriez si l'annonce publique de l'amour de votre vie faisait que vous étiez exclu de la communion par votre curé. Imaginez que vous receviez un matin une lette pareille dans votre courrier...

Je ne crois pas aux malédictions (même si l'on me dira que Jésus a utilisé le terme "malheureux êtes-vous"), mais une paroisse, un prêtre, un diocèse qui excluent de la communion deux femmes parce qu'elles s'aiment en public ne se rapprochent pas vraiment du Christ. Je dirais qu'ils s'en éloignent et cela ne va pas leur apporter une quelconque "grâce". Et qu'un prêtre trouve important, à l'approche de Pâques, d'écrire cette lettre d'interdit en dit long sur l'idée qu'il se fait de sa charge : encore un Pharisien, ou un de ces Docteurs de la Loi, qui font passer la rectitude avant la charité...

Comme si le Code de Droit Canon lui même ne disait pas dans son dernier (et à mon sens le plus important canon), le numéro 1752, qu'en toutes ces choses (dont on vient de parler juste avant dans le Code) "on observera la justice de la loi et on ne perdra pas de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l'Église la loi suprême." Voilà la loi suprême de l'Église: le salut des âmes. Or, je ne vois pas ce qu'apporte à l'Église d'exclure de la communion deux fidèles de longue date parce qu'elles s'aiment avec passion et profondeur religieuse.

Suite à toute cette affaire. Leah et Lynne ont été invitées par d'autres Églises à les rejoindre pour Pâques. C'est un beau geste qui les a beaucoup touché. Mais elles disent simplement: "quand on a été Catholique aussi longtemps, le goût de la religion n'est tout simplement pas le même ailleurs". Encore des cathogay qui ont choisi de rester et de souffrir... Mon coeur va vers elle... Comme j'aurais voulu qu'un autre diocèse ou une abbaye les invitent pour Pâques et les accueillent à la table eucharistique...

Oh, et j'ai failli oublier: le Wyoming est l'État de Matthew Shephard. Manifestement, certains sur place n'en ont pas encore tiré toutes les leçons... en particulier le curé de... Saint-Matthew... un évangéliste qui avait beaucoup à dire sur les Pharisiens et leur attitude.

Alors, quand vous irez communier ce week-end, que ce ne soit pas un geste mécanique. Et n'en faites pas seulement un acte personnel. Allons communier "pour" (au nom de) ceux et celles des nôtres qui en sont exclus à cause de leur amour.

 

Leah et Lynn, dans le journal local

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