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Un Blogue CathoGay
5 mai 2007

424. bénir sans approuver

Vous n'ignorez pas que la Communion Anglicane est à un tournant de son histoire, avec le quasi ultimatum lancé par des Églises homophobes (surtout celle du Nigeria) qui exigent de leurs "soeurs" américaine et canadienne qu'elles renoncent, l'une à consacrer des évêques ouvertement homo et l'autre à bénir des unions de même sexe. Des déclarations ont été publiées qui font dire qu'il s'agit crise grave, dont les tonalités sont d'une violence homophobe franchement non-évangélique.

Raison pour laquelle le Primat d'Angleterre et président de la Communion Anglicane, Mgr Rowan Williams, fait actuellement le tour des assemblées épiscopales du Canada et des États-Unis. Je dois dire, à mon plus grand soulagement, que ces deux Églises n'entendent pas renoncer au chemin parcouru depuis 30 ans pour accueillir les homo à leur table, tout ça parce que d'autres sont plus de cent ans en retard dans leur parcours. Il faut juste espérer qu'au Canada et aux États-Unis, ils trouvent une manière d'avancer tout en respectant ceux qui sont loin derrière.

Et justement, à l'occasion de la visite de Mgr Williams au Canada, l'Assemblée des Évêques (l'une des trois qui ont pouvoir de décision, avec celle du Clergé et celle des Laïcs) a fait une recommandation pour les unions homo que je trouve tout à fait éclairante. Je vous traduit l'essentiel de l'article qui est ici en lien. Une déclaration présentée à la presse par l'Archevêque Primat du Canada, Mgr Andrew Hutchinson.

[citation]

L'Assemblée Canadienne des Évêques recommande au reste de l'Église Anglicane du Canada de revenir un peu en arrière sur la bénédiction de couples gay. La question est mise à l'ordre du jour du Synode Général Canadien en juin. L'Assemblée des Évêques a tenu une discussion préparatoire lors de sa rencontre le mois dernier, en présence de l'Archevêque de Canterbury. Mais elle n'a pas eu assez de temps pour conclure le débat sur la bénédiction de relations de même sexe. En conséquence, il a fallu se résoudre à un vote par email pour approuver la décision pastorale présentée cette semaine. Décision dans laquelles les Évêques reconnaissent leurs divisions. Néanmoins, il y est dit que "nous croyons qu'il est non seulement approprié mais impérativement demandé par l'Évangile de prier avec l'ensemble du Peuple de Dieu, quelles que soient les circonstances... Refuser de prier avec qui que ce soit un un groupe quelconque reviendrait à suggérer que Dieu n'est pas avec eux." Pour cette raison, les Évêques concluent que les ministres (du culte) ne devraient pas refuser de participer à des cérémonies qui célèbrent à l'église une union civile (d'homosexuels). La déclaration donne deux exemples: "Quand un couple gay ou lesbien civilement marié demande la réception de notre Église pour leur mariage civil et demande la reconnaissance de leur paroisse, il pourrait être possible, avec la permission de leur Évêque qui a été mis au courant, de célébrer une eucharistie avec le couple, d'y prononcer des prières d'intentions appropriées, mais sans y inclure une bénédiction nuptiale. Autre exemple: "Quand un couple marié de gay ou de lesbiennes, ou un couple qui a pris un engagement de couple, cherche a être reçu ou à célébrer à l'église sa vie en Christ, de nouveau, des prières d'intercession peuvent être offertes, pour leur fidélité mutuelle, pour l'approfondissement de leur chemin à la suite du Christ et pour leur ministère baptismale, et cela sans qu'il y ait d'échanges de voeux matrimoniaux ou de bénédiction nuptiale." Les Évêques continuent en affirmant que le ministère du clergé gay et lesbien est "profondément estimé et apprécié". La déclaration dit que la recommandation des Évêques propose "moins que la bénédiction d'une union de même sexe ou d'un mariage". Mais que la raison en est que "en l'état actuel des choses, la doctrine et la discipline de notre Église ne permet pas clairement d'aller plus loin". Néanmoins, continue le document: "Pour ceux qui craignent que ces dispositions pastorales sont allées trop loin, nous affirmons que ce point de discipline est entièrement cohérent avec la doctrine de l'Église et avec notre appartenance à la Communion Anglicane". (...)

[fin de citation]

J'aime beaucoup cette manière de procéder. En gros, elle dit aux fidèles concernés: Nous ne sommes pas entièrement d'accord avec tout ce que vous faites et nous trouvons que c'est loin de l'idéal. Mais comme c'est votre histoire et que vous la vivez avec le Christ, nous allons prier avec vous afin que vous avanciez dans la bonne direction.

C'est la même position pour les célébrations de prière pour les couples où l'un au moins est divorcé et désire prier pour son deuxième mariage. On se souvient du célèbre mariage du Prince Charles d'Angleterre et de la très divorcée Camilla.

Autre exemple: quand des aumôniers militaires bénissent des soldats. On peut rappeler que l'Église est très loin d'apprécier la guerre et l'usage des armes, mais elle comprend, elle soutient et elle accompagne ceux qui ont choisi le chemin de la vie militaire s'ils veulent le vivre à la lumière du Christ.

Dans la perspective catholique officielle d'aujourd'hui, il est hélas absolument impensable d'accompagner à l'église la prière de gens qui ne vivent pas complètement selon la morale de l'Église. C'est comme si "bénir" était synonyme "d'approuver"; ce n'est pas faux, bien sûr, mais il me semble qu'on oublie que la bénédiction est plutôt un encouragement pour l'avenir, une aide et un soutien pour continuer à marcher sur le chemin. Approbation, certes, mais surtout approbation que l'intention va dans le bon sens.

Qu'il s'agisse de couples de divorcés remariés ou de couples homo. Il y a actuellement une façon de donner une primauté à la doctrine sur la pastorale que, à titre personnel, je n'arrive pas à comprendre. Autant je suis d'avis qu'il faut offrir à tous un idéal à la mesure du message de l'Évangile, sans l'édulcorer, autant il me semble qu'il faut être présent à chaque pas en avant que font les chrétiens, et pas seulement quand ils sont tout près de la ligne d'arrivée.

C'est un peu comme si l'Église disait: "nous vous présentons un chemin de vie très exigeant, celui de l'évangile, mais débrouillez-vous pour y arriver et ne nous faites signe que quand vous y êtes presque parvenu". Pas très pédagogique comme attitude: quel professeur serait en droit d'exiger de bons résultats de ses élèves s'il n'a pas d'abord sué pour les y préparer?

Dès lors, j'aimerais que les hiérarques catholiques ne présentent des exigences fortes, notamment aux homosexuels, que lorsqu'ils annoncent qu'ils ont mis en place des structures pastorales pour les soutenir. Sinon, c'est laisser les gens se débrouiller tous seuls avec leurs efforts, et c'est mal de la part de ceux qui exigent. Tant qu'on n'a pas créé une pastorale des minorités sexuelles, ce n'est pas juste d'exiger des choses aussi énormes que la chasteté ou la continence complète. Tant qu'on n'a pas créé des communautés priantes et eucharistiques pour les accueillir spécifiquement, il ne faudrait pas mettre sur les homo des fardeaux qu'ils devront porter dans la solitude. Même remarque pour la situation des divorcés remariés: pas de morale sans pastorale qui la précède.

Pas d'exigence morale sans le soutien pastoral qui doit toujours le précéder. Je trouve que l'approche des évêques anglicans canadiens, en cela, est très évangélique: quel que soit le point où vous en êtes dans votre chemin vers le Christ, nous sommes à vos côtés pour vous soutenir. C'est comme s'ils disaient: avant de vous juger, nous trouvons plus important de vous aider à avancer car, après tout, ne sommes-nous pas tous pécheurs et en chemin?

Par exemple: on pourrait retrouver le sens de la célébration des "fiançailles" ou des "accordailles"... Offrir aux divorcés remariés ou aux homo une cérémonie qui tienne compte de leur engagement vers le mariage, mais qui tienne compte du fait que cette union complète ne leur est pas encore offerte... Un engagement qui incluerais déjà des éléments importants (fidélité, soutien mutuel, partage de projet de vie) mais qui n'irait pas pas jusqu'à l'engagement matrimonial. On pourrait prier pour ces "fiancés" ou ces "accordés", et même les bénir, sans leur offrir le cadre du mariage.

Ce serait déjà tellement beau. Sans parler du fait qu'il n'y aurait pas là un grand effort doctrinal...

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