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Un Blogue CathoGay
15 juin 2007

437. l'amour est-il victorieux toujours

Parfois, je me demande si l'Histoire avance ou si elle recule. Bien sûr, je pense à des questions autour de la vie des minorités sexuelles, et en particulier des homo. Comme souvent (et parce que l'Histoire avance ET recule), j'en suis réduit à regarder l'anecdote, le petit détail véritablement symbolique qui va m'aider à voir clair. Puisque je ne suis "personne" (sauf que je suis célèbre pour certains d'entre vous, merci du fond du coeur), je peux finalement choisir de voir l'Histoire comme je veux...

Et disons qu'aujourd'hui, je choisis de la regarder avec un regard positif...

Le parlement local du Massachusetts (je ne sais jamais si j'ai mis assez de S et de T dans ce nom-là) vient de rejeter la demande de soumettre le mariage homo au référendum populaire. Ce qui fait que, pour "toujours" (ou au moins jusque 2012), les unions de même sexe sont coulées dans le bronze de la légalité.

Grande déception des homophobes, d'autant plus que la majorité a été extrêmement étroite (une voix, je pense). Très grande déception de l'épiscopat catholique, notamment, qui a bataillé de toutes les manières possibles pour obtenir que l'État du Massachusetts permette à une consultation populaire de décider si, oui ou non, les homo doivent avoir le droit (comme ils l'ont depuis 2004) de voir leurs couples et leurs familles protégés comme les autres.

Je ne vais pas m'étendre sur cette croyance un peu naïve que les positions homophobes actuelles, notamment dans la hiérarchie catholique, sont celles que la majorité de la population soutiendrait lors d'un référendum. Ni sur cet aveuglement qu'il y a à ignorer que, depuis 2004, aucun de ces mariages homo n'a mis en danger le mariage hétéro ni conduit la société à un quelconque écroulement. Sans parler du fait que, semble-t-il, la colère divine ne s'est abattue sur personne (et d'ailleurs elle n'existe pas).

Néanmoins, l'argument des parlementaires locaux est, selon moi, le point principal à retenir: ce n'est pas à la majorité de voter pour accorder des droits à une minorité. Comme l'a expliqué l'un des réprésentants: il ne serait pas démocratique de voter en faveur d'un référendum qui aurait pour conséquence éventuelle de priver une minorité de ses droits légitimes. En d'autres termes, pour prendre le point de vue inverse, il n'est pas juste qu'une majorité prétende être agressée par l'existence d'une minorité et demande que cette dernière soit mise sur le côté (toujours dans une société démocratique, s'entend).

Et à l'occasion de cette bataille législative qui est, je l'admets, fort locale, on s'est souvenu du 40ème anniversaire du jugement Loving vs Virginia. Un jugement du 12 juin 1967 et qui a mis fin à une des lois les plus racistes, celle de l'interdit de "mélange inter-racial" (anti-miscegenation law) et dont le rappel aujourd'hui est particulièrement opportun dans la lutte en faveur des droits des minorités sexuelles.

Je vous raconte l'histoire, qui commence de la manière la plus simple, la plus banale et la plus romantique du monde: Richard Loving et Mildred Jeter sont amoureux l'un de l'autre. Ils se marient en 1958, à l'occasion d'un voyage à Washington DC. Comme Richard est blanc et Mildred est noire, ils espéraient ainsi échapper à l'interdit en vigueur dans l'État de Virginie où ils résident. Malheureusement, ça se sait et le tribunal les condamne non pas à la sentence prévue d'un an de prison, mais à une peine plus légère: 25 ans d'exil hors de l'État de Virginie.

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On pourrait penser (et je crois que c'est juste) que le juge a voulu faire à la fois preuve de clémence dans la peine mais de sévérité dans la condamnation. Ainsi le juge avait rappelé, dans son arrêt, la motivation et le bien-fondé de la loi (aujourd'hui pourtant, on trouverait ce jugement cruel). Dans l'article wikipédique en français, on peut lire que le juge, Leon Bazile, a fait ce jour-là écho à l'interprétation du XVIIIe siècle par Johann Friedrich Blumenbach du terme "race", proclamant que :"Dieu Tout-puissant créa les races blanches, noires, jaunes, malaies et rouges, et les plaça sur des continents séparés. Et, sauf l'interférence avec ses dispositions il n'y aurait aucune cause pour de tels mariages. Le fait qu'il sépara les races montre qu'il n'avait pas pour intention qu'elles se mélangent." Mais la peine d'exil était, effectivement, plus humaine qu'une peine de prison.

Néanmoins, les deux jeunes mariés (qui décident tout de même de déménager hors de Virginie) en font une question de principe: ils s'opposent au jugement et s'adressent à la Cour Suprême. Et les juges de la Cour Suprême, de manière unanime, finirent par décider que la notion de race est intenable, en particulier pour justifier une quelconque discrimination en matière d'amour et de mariage.

Signalons en passant que, malgré ce jugement, ce n'est qu'en 2000 que le dernier état "raciste" des États-Unis a fini par abroger la "loi anti mélange génétique".

Et toujours pour la petite histoire, on a fait de cette belle histoire un film "Mr & Mrs Loving" (photo ci-dessous), avec le très décoratif Timothy Hutton dans le rôle titre. De plus, le 12 juin a été proclamé le Loving Day, un titre on ne peut plus approprié, par beaucoup de mouvements de défense des droits civiques.

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Aujourd'hui, cet anniversaire est largement utilisé par les défenseurs du mariage homo, avec d'ailleurs la bénédiction de Mildred Loving (son mari est décédé dans les années 70). Voici ce qu'elle écrit: (je traduis): "Je suis fière que le nom de Richard et le mien apparaissent de nouveau dans une affaire judiciaire visant à rendre l'amour, l'engagement et la justice plus forts. Et qui vise à rendre plus fortes les familles que tant de gens, blanc ou noir, jeune ou âgés, gay ou hétéro, cherchent à construire dans leurs vies. Je défends le droit de tous à se marier." Une lettre qu'elle écrivait à Stuart Gaffney, 44 ans, un chercheur de l'UCSF (University of California at San Francisco) et à son partenaire (de 20 ans) John Lewis, 48 ans, qui sont les plaignants contre l'état de Californie pour obtenir l'égalité dans le mariage sur base du cas Loving vs Virginia. Le curieux de l'affaire, c'est que Stuart Gaffney est lui-même le produit d'un couple "sino-caucasien", interdit au moment de sa naissance.

Et de souligner, surtout en lumière course à la présidentielle américaine, que le sénateur Obama (candidat chez les Démocrates) ne serait pas là aujourd'hui si le couple Loving ne s'était pas battu pour leur droit à se marier.

Ceux qui combattent pour l'égalité dans le droit de se marier soulignent que l'institution du mariage a déjà beaucoup évolué dans les deux derniers siècles et qu'elle doit encore le faire: interdiction de la polygamie, fin de l'autorité absolue du mari sur son épouse, légalisation du divorce et de la contraception (même à l'intérieur du mariage), fin de l'interdit de mariage inter-racial, etc. Une série d'évolutions auxquelles les "traditionnalistes" (y compris religieux) se sont toujours opposés mais qui, aujourd'hui, semblent des évidences pour la plupart des gens. Les défenseurs du mariage homo espèrent que l'évolution va continuer dans le bon sens.

Vu d'un point de vue religieux et chrétien, je me demande si les homophobes voient la contradiction qu'il y a à se dire croyant et à empêcher qu'un amour vrai, durable et fort soit reconnu publiquement. Pour ma part, je crois en la victoire de l'amour, dans ce domaine comme dans tous les autres. Je ne vois pas ce que je pourrais croire d'autre.

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