464. la peur des frères gris
Il semble que l'une des craintes majeures des séniors gay , c'est de se retrouver dans une maison de repos avec uniquement des hétéro. Pour beaucoup, ce serait une régression par rapport à leur style de vie et surtout par rapport à la liberté dont ils jouissaient dans la vie "normale". Ils craignent l'ennui, à tout le moins.
Il est probable, en effet, que les séniors hétéro soient plus homophobes que les générations plus jeunes. Certains pensent d'ailleurs que c'est la raison pour laquelle l'Église Catholique Romaine est tellement homophobe: parce qu'elle est largement gouvernée par des séniors.
Aux États-Unis, des "communautés" ou des "habitats groupés" de séniors ont été créés en de nombreux endroits ces 20 dernières années, notamment dans les états ensoleillés comme la Californie ou la Floride. On peut y être ouvertement homo. On se retrouve même entre amis et, comble de l'ironie, il arrive même que ce soit le premier endroit où certains osent s'affirmer ouvertement gay.
Mais il semble que la crainte s'installe petit à petit que ces lieux ne puissent survivre, notamment pour des raisons financières.
J'ai été assez ému de lire, dans l'article que je viens de terminer, les épreuves de certains homo qui se retrouvent dans des "homes" où ils doivent "retourner dans le placard" et cacher qu'ils sont gay parce que la plupart des résidents sont homophobes. J'imagine aussi la difficulté, pour un couple âgé, de trouver un endroit où il sera accepté en tant que couple.
Le monde homo européen est encore largement perçu comme un monde "jeune", tout entier à la fête et même à une forme de désinvolture. Il est probable que, dans quelques années, la génération des fêtards et des clubbards des années 80 va commencer à se poser des questions sur sa retraite. Pas tellement en termes financiers, mais surtout en termes de vie sociale.
Faut-il créer des résidences du troisième âge "réservées" aux homo? Mais n'est-ce pas de la discrimination anti-hétéro? Après la revendication sur la mariage homo, verra-t-on le monde associatif gay demander un traitement spécial pour les séniors gay?
Je trouverais assez sympa qu'il existe des maison de repos homo où, pour la première fois de leur vie, des hommes et des femmes puissent s'affirmer comme gay, alors que les craintes pour leur vie professionnelle ou leur vie familiale les ont gardés dans la clandestinité jusque là. Il y a quelque chose de beau à imaginer ces "frères gris" attendre l'âge de leur libération du placard en même temps que l'âge de la retraite, comme un grand moment de bonheur.
D'un autre côté, mon copain Tom (qui, à 74 ans, continue sa vie de couple avec un homme plus jeune que moi, mais c'est une autre histoire) a une vie sociale très active, en milieu associatif mais aussi dans des voyages et des croisières qui sont largement pour séniors gay. Quand je le vois, et d'autres, je n'ai aucun doute que la retraite est déjà aujourd'hui pour beaucoup d'homo un moment formidable.
Dans de nombreuses associations d'ailleurs, les retraités sont une aide précieuse, comme c'est d'ailleurs le cas pour le monde hétéro. Et pour ce qui est du monde catholique, je ne serais pas étonné que, tout comme dans le reste de l'Église en Europe, ce soient des "frères gris" qui gardent l'église au milieu du village.
Est-ce que c'est l'arrivée hâtive de l'automne qui m'inspire ce genre de réflexions?