50. La Puissance de l'Injure

La Puissance de l'Injure

Bonjour à tous, et spécialement à ceux qui ne sont pas en congé (parce que moi, je le suis, na na na na na).

J'aime bien, de temps en temps, visiter un blogue "culturel à thèmes gay" à cette adresse http://culture-et-debats.over-blog.com/

Le bloguemestre nous copie souvent des articles qu'il juge intéressants, et ils le sont souvent, je trouve. Parfois aussi, il fait part de ses propres réflexions. Et il y en a une qui revient de temps en temps: la force des mots, la puissance des injures... Voici ce qu'il écrivait hier (c'est moi qui met certains mots en gras, et on peut lire la note directement en cliquant sur la note du titre) :

<< Quand l'injure (homophobe ou autre) façonne jusqu'à la définition même de ma personnalité

L'injure homophobe exerce ses effets même quand elle n'est pas proférée (par exemple quand je redoute en sortant dans la rue d'entendre "PD"). Ainsi l'injure, réelle ou potentielle, son existence même à l'horizon de ma vie, définit mon rapport au monde et aux autres.

Si l'injure est investie d'une telle puissance, ce n'est pas seulement parce que je l'ai entendue et que je redoute de l'entendre à nouveau, c'est aussi parce qu'elle m'a précédé. Avant ma naissance, elle existait déjà dans le langage contenant toutes les hiérarchies sociales, culturelles, raciales. Le langage était là avant moi et il "attendait" pour pouvoir m'insulter.

Ma subjectivité a été façonnée par l'apprentissage du langage ; elle l'a aussi été par les valeurs d'exclusion dont le langage est porteur. J'ai découvert ainsi que telle injure que j'avais apprise en apprenant le langage s'adressait à moi, que c'est de moi qu'elle parlait.

Dès lors, ces mots ont fait entrer en moi le sentiment de la honte, de la peur, de l'infériorité sociale... devenant la définition même de ma personnalité. >>

Je trouve que c'est une réflexion très puissante. Elle me confirme dans l'idée que les chrétiens gay doivent d'urgence se ré-approprier certains mots, à commencer par les mots sacrés de la Bible. Par exemple, quand le psaume rend grâce à Dieu "pour la merveille que je suis", il faut que les gay l'entendent pour eux mêmes (voir à ce sujet une note précédente sur GayAnglican).

C'est aussi la raison pour laquelle je trouve important de rappeler à la hiérarchie catholique, par exemple, que les mots qu'elle utilise sont insultants et homophobes. Dire que ce que je suis est issu du péché originel, dire que ce que je fais est une offense au plan de Dieu pour la création, c'est insultant et ça me détruit.

Je ne suis pas sûr que je serais d'accord avec quelqu'un qui me dirait: "cessons de reprocher aux autres d'être homophobes et soyons libres". Car justement, moi aussi je crois au pouvoir des mots et à la puissance de l'injure. Est-ce que nous ne sommes pas une religion où "le Verbe s'est fait chair"?

Dès lors, "au nom de tous les miens", et spécialement des enfants et adolescents gay qui découvrent ce qu'ils sont au travers de la langue qu'ils apprennent depuis le berceau, j'insiste pour que certains mots ne soient pas utilisés à notre sujet.

Et, ceci dit pour la millième fois, est-ce que quelqu'un dans le monde chrétien et spécialement catholique, va enfin utiliser pour nous des mots qui datent d'après la Renaissance au moins, à défaut qu'ils soient de ce millénaire-ci? À commencer par cette notion de "nature et contre-nature" qui nous a fait tant de tort.