Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un Blogue CathoGay
22 août 2005

108. une histoire de jumeaux

Le Boston Globe est un magazine pris très au sérieux. Je suppose que ça tient au fait que l'élite universitaire américaine est en grande partie originaire de cette région. Mais aussi, on s'en doute, à la compétence de ses journalistes. D'ailleurs, il suffit qu'un sujet soit abordé dans ce magazine (version papier ou internet) pour qu'on sache qu'il s'agit d'un sujet brûlant (actuellement ou dans un proche avenir).

Alors, la publication d'un très long article sur les recherches portant sur l'origine de l'homosexualité a forcémment attiré les blogueurs du monde entier, et pas seulement des pédéblogueurs.

Et cet article, intitulé What makes people gay?, (en version printer friendly) explique également pourquoi le débat sur l'origine de l'homosexualité devient brûlant. Aux Etats-Unis, dans l'Eglise Catholique et ailleurs, les questions éthiques et légales sur les gay sont toujours très disputées et il est peut-être temps, pense le très sérieux Globe, de remettre un peu d'information dans un océan de préjugés.

C'est qu'on peut être très très mal informé, constate l'article. Il y a d'abord ceux qui pensent qu'il s'agit d'une affaire de goût ou d'un choix personnel (tout comme on choisirait de tromper sa femme, de mentir, de tricher ou de tuer) à ceux qui estiment qu'il s'agit d'une déviation de la préférence sexuelle (comme la pédophilie ou même la bestialité). C'est souvent parmi eux qu'on trouve les plus farouches homophobes, à la limite de l'appel à "punir" les homo.

Puis il y a des positions plus modérées sans être beaucoup moins homophobes, notamment dans le monde catholique vatican, qui voit dans l'homosexualité une blessure subie durant l'enfance ou l'adolescence. Selon des nuances propres à chacun, ces homophobes "modérés" diront que l'homosexualité est soit un handicap soit une maladie. Un handicap à assumer ou une maladie à soigner.

Néanmoins, explique l'article, rien de sérieux n'a été publié dans les 20 dernières années pour étayer ces thèses. Et bien que des publications récentes reprennent ces hypothèses (voir par exemple dans le Compendium du catéchisme catholique), elles sont clairement dépassées. Une éthique ou des propositions législatives basées sur une de ces notions équivaudrait à baser les lois aériennes sur le fait que le soleil tourne autour de la terre. Bien qu'il ne fait aucun doute que cette attitude trouverait des partisans aujourd'hui encore...

À l'opposé du spectre des hypothèses sur l'origine de l'homosexualité, la thèse du gène gay est de plus en plus abandonnée. Elle a connu son heure de gloire dans les années '80 mais l'absence de confirmation (et ce n'est pas faute d'avoir cherché) fait qu'elle perd de plus en plus de son crédit.

Et dans l'absence de confirmation, il y a notamment les résultats des études sur les vrais jumeaux (qui partagent le même patrimoine génétique). Il n'y a aucun élément statistique qui permettrait de dire que si l'un des jumeaux est gay, l'autre le serait également.

Pourtant, l'orientation sexuelle est bien d'origine utérine, disent les chercheurs. Ainsi, expliquent-ils, si la fixation de l'orientation sexuelle précède la séparation de cellules initiales en deux jumeaux, alors les deux enfants seront soit gay, soit hétéro, soit... Par contre, si cette fixation se fait après la séparation, il arrive que l'un des jumeaux soit hétéro et l'autre non.

Il y a donc bien un ensemble de facteurs (et non pas un facteur unique) qui déterminent l'orientation sexuelle, mais il s'agit de facteurs naturels. La thèse d'une quelconque influence de l'éducation ou des choix personnels est largement écartée, dit l'article. Un ensemble de facteurs qui se manifestent extrêmement tôt dans la formation de l'embryon, mais pas à un moment fixe pour tout le monde. Mais tellement tôt qu'il précède parfois la séparation des cellules fécondées initiales en plusieurs jumeaux.

Sur le plan éthique et politique, je crois qu'il ne faut pas minimiser l'impact que ces résultats scientifiques pourraient avoir sur le débat entre homophiles et homophobes, et notamment dans le monde catholique. Voici d'ailleurs ce que dit l'article (la traduc est de votre indigne serviteur):

  • "L'accumulation de preuves scientifiques, combinée avec le fait qu'il y en a d'autres qui se pointent à l'horizon, a déjà produit son effet. Le mois dernier, le Révérend Rob Schenck, une figure éminente du mouvement Évangélique et basé à Washington DC, s'est adressé à un large rassemblement de jeunes Évangéliques en affirmant qu'il croit que l'homosexualité n'est pas un choix mais plutôt une prédisposition, quelque chose de profondément enraciné en quelqu'un. Schenck m'expliqua plus tard [écrit le journaliste] que sa conversion provient de longues conversations qu'il a eues avec des chercheurs en génétique et des psychologues. Il se demande maintenant si les Évangéliques doivent poursuivre leur opposition au comportement homosexuel, mais il admet que beaucoup d'Évangéliques vivent dans une sorte d'état de déni sur l'avancement de ces discussions. Et son message est le suivant: S'il devient inévitable que ce type de preuves scientifiques soit produit dans l'avenir, il faut nous préparer à donner une réponse [aux homosexuels] en terme d'amour. Car si nous ne réagissons pas de cette manière là, nous risquons de perdre toute crédibilité."

Je partage entièrement l'analyse du Révérend Schenck: Dans la mesure où le monde scientifique et médical produit de plus en plus d'éléments explicatifs sur l'homosexualité (son origine mais aussi ses conséquences), le discours moral des Églises, et de l'Église Catholique en particulier, tient de moins en moins la route. Et ne parlons pas de la référence biblique: autant condamner de nouveau Galilée parce qu'il affirme que la terre tourne autour du soleil, contrairement à ce que dit la Genèse.

Pour l'évolution du débat éthique, il est donc important que des recherches soient financées (et Dieu sait si ça coûte un pont) mais surtout largement publiées. Dans les débats politiques et budgétaires (que ce soit à l'échelle nationale ou dans les universités), il ne fait pas de doute qu'il y a des décisions à prendre.

Mais rêvons un peu: pourquoi l'Église Catholique, qui dispose d'un nombre incroyable d'universités et de centres de recherche de par le monde, ne lancerait-elle pas elle-même une série de recherches et de publications qui permettent d'asseoir le discours éthique sur des hypothèses récentes? Depuis le pape Paul 6 et son De la Personne Humaine en 1975, il n'y a pas grand'chose qui est sorti des recherches universitaires catholiques sur l'homosexualité. Faut-il en déduire que le débat est clos depuis '75? Manifestement, certains se contenteraient bien d'en rester là....

-

(Photo du Boston Globe) À droite, Alan Sanders est l'un des chercheurs qui a parcouru les réunions de clubs de jumeaux pour mener l'étude sur l'origine de l'homosexualité.

Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Publicité