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Un Blogue CathoGay
27 juillet 2006

308. saleté d'espion, casse-toi

Il y a des flashes de la pensée qui m'arrivent pendant que je rigole d'un truc. Comme si, à un moment, je me rendais compte que ce que j'avais cru drôle pourrait devenir mauvais dans la vie de ceux qui le prennent trop au sérieux. Et c'était le cas hier quand je suis tombé sur le site d'un dessinateur plein de bonnes intentions. Il a intitulé ses pages "Jesus, With You Always". En gros, Jésus est proche de tout le monde, tout le temps, à nous aider et à nous encourager. Le dessinateur prend très au sérieux l'une des dernières paroles de Jésus "Je suis toujours avec vous" (par exemple en Matthieu 28).

En soi, je suis d'accord, c'est gentil et très chrétien, et notamment le fait de croire que Jésus est présent à toutes nos tâches quotidiennes, même les plus mineures. Il y a plein de spiritualités comme ça, par exemple de saint Mutien-Marie de Malonne.

Je trouve tout de même que l'imagination du sympathique dessinateur va parfois un peu dans tous les sens. Voici quelques exemples. D'abord, le très prévisible "Jésus avec le prédicateur":

Ceux d'entre vous qui sont prêtres ou animateurs paroissiaux apprécieront l'idée d'un Jésus qui se tient juste à côté du prédicateur et souffle (comme au théâtre). Brrr, ça fout les jetons.

Mais voici une série plus amusante. Comme "Jésus avec le poseur de tapis"

 

ou "Jésus avec la guichetière de banque"

 

 

ou encore "Jésus avec la dentiste". Ceci dit, il doit être avec le mien parce que j'ai le meilleur dentiste du monde.

 

 

ou bien encore "Jésus avec les culturistes"

 

Je vous fait grâce de Jésus en train de faire des sports plus animés, comme du foot, du rugby ou du surf. Ou encore Jésus sur un skate-board ou en patins à roulettes. Avec sa toge, ça fait tout de même un peu "vieille folle" au milieu des sportifs...

Et bien sûr, il y des dessins qu'on pourrait prendre avec un air plus réservé. Comme par exemple, "Jésus avec le soldat" ou "Jésus avec le Président". Ou tout simplement, comme "Jésus avec l'étudiante":

 

ou bien "Jésus avec le cadre d'entreprise"

 

 

et enfin, "Jésus avec le soudeur".

Globalement, même si je respecte les bonnes intentions, c'est bien un type de spiritualité auquel je suis absolument étranger. Au contraire, je préfère vivre comme si mes actions étaient les miennes. Inspirées certes par l'Esprit (quand je suis à son écoute). Inspiré, mais je ne suis pas "sous influence". L'idée d'un Jésus qui me tiendrait le coude en permanence (comme ici avec le soudeur) ou qui regarderait au-dessus de mon épaule a quelque chose d'assez énervant pour moi. C'est d'ailleurs le sens de ce "retournement d'image", que j'ai trouvé sur un autre site, bien sûr.

C'est une reprise de celle de la caissière de banque. Et je comprends qu'elle demande à Jésus d'arrêter de l'ennuyer et de l'empêcher de compter. Et bien sûr, elle lui dit de lui lâcher les basse-quètes et de se casser.

 

 

Vous vous souvenez du Livre de la Genèse, après qu'Adam et Ève aient mangé de ce stupide fruit, quand Dieu se promène dans le jardin? Et à un moment, Dieu dit "Adam, où es-tu?" En d'autres termes, Dieu ne sait pas où ils sont et il ne les pas mis sous surveillance permanente. Dieu n'est pas là à espionner l'homme et la femme, à tout savoir, y compris où ils se cachent et ce qu'ils font. Au contraire, il leur fout une paix royale. Ce n'est pas dans son style de toujours suivre l'homme ou la femme partout, à regarder par-dessus leur épaule ou à leur tenir le coude.

C'est un amour pervers que celui qui veut toujours tout savoir sur celui qu'il aime. L'amour espion, l'oeil qui me regarde en pemanence, sous prétexte qu'il m'aime. L'amour gendarme qui veut tout connaître de moi, qui me suit partout, sous prétexte que tout ce que je fais l'intéresse. Un amour comme ça, quelle plaie!

Bien sûr, j'ai moi aussi été comme ça un certain temps (jusqu'il y a 10 ans, je dirais). Et j'ai aussi vécu dans cette hantise que "Dieu m'a vu". Certains d'entre vous me l'ont dit ou écrit: ils vivent dans cette certitude que Dieu les voit partout où ils se sentent coupables. Dieu les voit quand ils baisent, quand ils se branlent, dans leurs lits, dans les buissons (n'est-ce pas, George Michael?), dans les cabines de sauna, dans la vapeur, dans les dark-rooms, et surtout devant l'ordi où ils s'exposent (dans l'oeil de la caméra, en fait).

Dieu devient la source même de ma culpabilité et de ma honte. Au début, c'est "Jésus est avec toi tout le temps parce qu'il t'aime" (Jesus is always with you because He loves you). Et ça devient "Tu as raison d'avoir honte, d'ailleurs Jésus t'a vu et il pleure".

Or, dans le plus grand récit que la Bible nous ait laissé sur le péché et la faute, Dieu n'espionne pas Adam et Ève. Au contraire, parce qu'il les aime absolument et parfaitement, il choisit de vivre dans l'ignorance et la distance. C'est la distance qui est un signe d'amour absolu, la distance du respect de la vie privée, et non pas la proximité envahissante et pompante. D'ailleurs, est-ce qu'un dieu qui ne respecterait pas ma vie privée peut prétendre à être un dieu parfait et aimant? Clairement, non.

Autant je crois que Jésus est proche de moi quand je l'appelle et qu'il accourt à mes côtés quand je souffre, autant je ne croirais pas à son amour pour moi s'il me tenait sans cesse le coude et regardait en permanence par-dessus mon épaule. Jésus dans mes draps, non merci. Jésus avec son petit carnet Moleskine ou sa petite caméra pour tout filmer de ma vie géniale, non merci. Je suis athée de ce Dieu-là.

Et surtout, Jésus qui sait à l'avance tout ce que je vais lui raconter dans la prière parce qu'il m'a espionné en permanence: absolument non, merci.

Non, "mon" Jésus, il m'écoute quand je lui raconte ma vie (y compris mes débâcles), et pas avec le style un peu faux-cul de celui qui connaît tous les détails à l'avance mais qui me laisse parler parce que ça me fait du bien. Non, je n'ai pas à craindre de tomber sur Jésus dans tous les recoins sombres de mon existence. Je sais qu'il viendra si je l'invite, mais je ne suppose pas qu'il s'impose ou, pire, qu'il s'infiltre comme un espion (avec sa caméra et son micro).

Et quand il m'arrive de me sentir coupable, ce n'est pas parce qu'il sait ce que j'ai fait de mal. Avec cet affreux sentiment du petit garçon pris en flagrand délit. Non, "mon" Jésus ne me reproche jamais rien quand on se voit. C'est moi qui me fait des reproches et lui, au contraire, qui me sort de ma culpabilité.

Même quand j'ai fait quelque chose de bien, il ne se l'attribue pas, comme si c'est lui qui m'avait tenu le coude. Du genre: "qu'est-ce que tu attends pour reconnaître mes mérites et me dire merci, avec tout ce que j'ai fait pour toi, espèce d'ingrat". Non, c'est moi qui choisit de vivre dans la louange et de lui rendre grâces. Lui me répondant toujours: "Mais de rien. Tu n'as pas à me remercier. C'était avec plaisir."

Alors, "Jesus With You Always"? Pas le Jésus que je connais... Et je ne suis pas sûr non plus que j'aimerais ça... Non, réflexion faite, je crois que s'il faisait ça, je le jetterais vite fait bien fait de ma vie...

Je sais qu'il y a des psaumes et des textes dans l'Ancien Testament (dans le Livre de Job, par exemple) qui invitent à voir Dieu comme ça. "Quand je me lève ou me couche, tu le sais. Tu lis toutes mes pensées." Mais heureusement que Jésus est aussi venu nous libérer de cette dérive voire de cette oppression. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant que ce genre de spiritualité du Dieu-Espion soit très vivant dans les milieux (surtout protestants) qui lisent très littéralement la Bible et surtout l'Ancien Testament.

Au contraire, le Jésus que j'ai rencontré est la discrétion la plus totale. On a une relation "entre adultes", pas comme la mère qui surveille sans cesse son môme. D'ailleurs, le plus souvent, je pourrais vivre totalement comme s'il n'existait pas. Il m'aime tellement qu'il respecte totalement ma vie privée, sans m'envahir ou s'imposer.

Et c'est pour ça que, moi aussi, je partage sa vie.

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