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Un Blogue CathoGay
18 août 2006

313. on n'est pas sorti du débat

Quand des évêques prennent publiquement position contre l'homoparentalité (en disant, en 2003, que l'adoption par des parents homosexuels est une violence faite à l'enfant adopté) et qu'ils interviennent dans le débat public, leur qualité d'évêques les protège-t-elle de la critique?

C'est l'avis d'un groupe de Catholiques de San Francisco qui ont entamé en mai dernier un procès contre le conseil municipal de la ville pour "sauver" la liberté d'expression de leurs évêques.

Je vous rappelle des épisodes précédents: le cardinal Levada (successeur du cardinal Ratzinger au "ministère" vatican de la doctrine de la foi et ancien évêque de San Francisco et, auparavant, de Portland) écrit aux évêques, surtout américains, pour leur rappeler que depuis une annonce officielle en 2003, l'Église Catholique s'oppose totalement à l'adoption d'enfants par des homosexuels, célibataires ou en couple.

Cette lettre de Levada n'est qu'un rappel de la "doctrine". Rien de vraiment neuf: les homosexuels qui sont parents font violence à leurs enfants par le simple fait qu'ils sont homosexuels. La doctrine catholique n'a aucune preuve de cela (et refuse celles du contraire, notamment les faits) mais c'est la conviction profonde (sincère?) des moralistes vaticans encore aujourd'hui.

Par contre, sur le terrain, une série d'experts dans les agences catholiques d'adoption (surtout à Boston, Chicago et San Francisco) ont été ravies de confier pendant des années leurs enfants à adopter à des couples homosexuels, d'autant plus que ces derniers ont accepté bien souvent des enfants-poubelles (litt. trash-kids) dont les autres ne voulaient pas.

Mais ce que l'archevêque Levada avait permis (du bout des lèvres) à San Francisco, il ne peut plus le tolérer quand il devient le cardinal Levada au Vatican. Logique.

La réaction à San Francisco ne s'est pas fait attendre, et notamment du conseil municipal de la ville (largement composé de Catholiques) qui entend défendre une partie des citoyens dont il a la charge. Le conseil a publié un texte qui trouve cette lettre cardinalice insultante (diffamatoire et haineuse, dit le texte) pour certains citoyens respectables de la la ville (en l'occurence les homo) et particulièrement dommageable pour les familles homoparentales et leurs enfants. La ville s'oppose à ce que l'épiscopat catholique prive les enfants adoptables de toutes les chances auxquelles ils ont droit. Le conseil municipal demande donc, en vertu de ce double préjudice, que ses propos soient retirés par le cardinal Levada et que sa politique soit revue.

Je vous avais déjà raconté l'histoire.

Ce qui est nouveau, c'est qu'un groupe de Catholiques a introduit en mai dernier une action légale pour obtenir que la ville soit condamnée pour discrimination anti-religieuse. En d'autres termes, le fait de critiquer la position des évêques est une atteinte à la liberté religieuse. Celle-ci étant reconnue dans la Constitution américaine, ces Catholiques demandent donc réparation devant les tribunaux.

Ils parlent d'une agression contre la foi catholique et contre les Catholiques en général. Le texte de la ville est une pression, et donc empêche la liberté d'expression et d'action. La rhétorique a été utilisée en Belgique, en France, en Espagne, au Canada et dans d'autres pays où la position de l'Église Catholique a été critiquée par les autorités politiques (parfois nationales).

Ce n'est pas une mince affaire, je trouve. Même en dehors de la sphère religieuse.

Que ce soit pour des chrétiens, des juifs, des musulmans ou même des athées, est-ce que la défense de la liberté religieuse implique qu'ils sont protégés dans tout ce qu'ils disent et décident dans leurs églises, mosquées ou synagogues? Un responsable religieux (notamment catholique) est-il au-dessus des lois quand il s'exprime, et notamment dans le débat sur les minorités sexuelles?

En l'occurence, le procureur de San Francisco vient de s'exprimer pour dire qu'il estime l'action intentée par ce groupe de Catholiques californiens non fondée. Son argument est le suivant: Il n'est pas raisonnable, dit-il, de dire que la position du conseil municipal est de s'opposer à la foi catholique puisque le texte vise au contraire à défendre la discrimination exercée par les responsables catholiques contre une partie des citoyens dont ils ont la charge et à conserver aux enfants la possibilité la plus large possible de trouver une famille qui les accueille. C'est au contraire la position des évêques de porter atteinte à l'honneur d'une partie des citoyens et à diminuer les possibilités offertes aux enfants adoptables.

Et il ajoute: Dans la mesure où le cardinal Levada s'est exprimé publiquement (ce qui est bien sûr son droit), il donne aussi le droit aux autres de le critiquer publiquement. Leur qualité d'autorité religieuse ne les protège pas constitutionnellement de la critique.

Je pense d'ailleurs, à titre personnel, que le cardinal Levada ou le Vatican n'ont jamais contesté le droit des autres à les critiquer. Mais je remarque que ce n'est pas ainsi que beaucoup de Catholiques comprennent la question. D'ailleurs, je ne serais pas étonné si des actions judiciaires du même genre sont lancées dans d'autres villes ou d'autres pays.

Ainsi par exemple, même dans les associations homo et catholiques, le simple fait de critiquer la position du pape (ou du magistère) sur les minorités sexuelles est considéré comme une agression contre la foi catholique. Comme si les homo n'étaient pas les victimes de discrimination mais au contraire qu'ils étaient les agresseurs de la majorité par le simple fait qu'ils se posent en minorité. Ils devraient, dit-on, accepter au contraire leur statut de pécheur ou d'handicapé.

Je suis curieux de voir comment ce débat juridique va évoluer, particulièrement aux États-Unis et au Canada. Et mon regard va aussi se pointer vers l'Italie, où ces questions vont se poser bientôt.

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