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Un Blogue CathoGay
10 septembre 2006

323. quand les poules auront des dents

J'ai lu diverses réactions aux propos du pape aux évêques canadiens, notamment sur les unions homosexuelles.

D'une part, le mot "mariage" n'est plus LE problème, apparemment. Que l'on dise mariage homo ou bien union homo, les gens (et le pape) ne sont pas dupes. Donc, le débat portant sur le fait de savoir s'il vaut mieux adopter le mot "union" (ou alliance) à la place de "mariage" (qui serait réservé aux seuls hétéro) est maintenant clos: ça ne ferait aucune différence et ça n'apporterait aucun avantage stratégique. Conséquence: que, personnellement, vous préfériez parler de mariage homo ou d'union homo, les gens (et le pape) comprennent la même chose. Et à partir de dorénavant, je vais en prendre acte et considérer que c'est le même terme.

Deuxième réaction que j'ai lue: et si l'Église Catholique était en train de jouer de nouveau contre son propre camp? Je l'ai déjà signalé: chaque fois que le pape ou des évêques interviennent dans le débat politique, on peut se demander s'ils favorisent leurs idées ou au contraire les affaiblissent. Dans le cas qui nous occupe, plusieurs observateurs politiques s'étonnent que le pape moque ainsi en public le principe démocratique de la tolérance. Est-ce qu'un député catholique ne représente que les Catholiques de sa région ou bien tous les électeurs qui l'ont élu, y compris les non-Catholiques?

Certains cardinaux le disaient du temps de Jean-Paul 2, et le murmurent avec Benoît 16: il n'est pas dans l'intérêt de l'Église de se poser comme "supérieure" aux démocraties (même si cela pouvait avoir un sens du temps des monarchies absolues ou dans les pays autocratiques). Et, disent-ils, il n'est pas dans l'intérêt de l'Église qu'on finisse par penser qu'un député catholique n'a pas le sens de l'ensemble de ses électeurs, y compris des non-Catholiques et qu'il est tout simplement aux ordres du Vatican.

Des phrases de Benoît 16 comme: la démocratie n'est valable qui si elle est basée sur la vérité et sur une haute idée de la personne humaine pourrait laisser sous-entendre que seul le Vatican connaît la vérité sur la personne humaine. Une prétention qui, au regard des démocrates, est assez inquiétante venant d'une institution qui n'a aucune expérience concrète de la pratique de la démocratie et de la critique interne.

D'autant plus que croire, comme le pape, que le désir pour les homo de se marier n'est qu'un mouvement social éphémère est probablement une erreur d'observation de l'évolution des sociétés. Ceux qui croient, dans le monde catholique, que les homo vont cesser un jour de vouloir créer des couples durables et fonder des familles (et de les faire protéger légalement), ou qu'il s'agit d'un effet de mode passager, pourraient se tromper lourdement. Connaissant les jeunes gay que je rencontre, je crois au contraire que l'aspiration à un couple monogame durable est relativement la même chez eux que chez leurs pairs hétéro.

Mais plus encore, pour ceux qui tiennent à la doctrine catholique de la primauté de la conscience, il y a des commentaires que j'ai lus et qui sont inquiétants. Pour résumer, la doctrine catholique dit en substance qu'en matière morale, toute personne a raison de suivre d'abord la voix de sa conscience (avant toute voix extérieure), à condition de l'avoir informée. D'où un devoir d'information. Et dans le cas de Catholiques, de s'informer sur ce que dit la doctrine de l'Église. C'est logique (et ancien).

Mais je constate un glissement dans la manière de comprendre cette liberté de conscience, et notamment un glissement vers le fait de dire qu'un "vrai" Catholique ne peut pas, en conscience, être d'un autre avis que le pape. C'est l'opinion que je retrouve par exemple dans la bouche du directeur de l'Institut Catholique Canadien de Bio-Éthique. Je traduit: Un politicien catholique qui s'engagerait en faveur du mariage homo et ignorerait la position exprimée par le Pape Benoît, n'est pas vraiment en train de suivre sa conscience, selon le point de vue catholique." [Any Catholic politician who was moving along the lines of same-sex marriage and totally ignoring what Pope Benedict was saying, isn't really following their conscience from a Catholic perspective.]

C'est inquiétant comme manière de penser: la liberté de conscience cesse-t-elle quand le pape s'est exprimé sur un sujet et devient-elle alors une obligation d'obéissance? Je ne crois pas que le pape lui-même (et le synode sur l'Eucharistie, par exemple) serait d'accord avec cette manière de voir. Mais je suis inquiet que des militants catholiques (et parmi eux des évêques) réfléchissent dans cette direction-là. On va sûrement reparler de ce dogmatisme moral ou de cette volonté d'extension du dogme de l'infaillibilité pontificale du domaine théologique au domaine moral.

Autre histoire, plus anecdotique : Brad Pitt et Angelina Jolie ont déclaré qu'ils ne se marieront pas tant qu'il ne sera pas permis à quiconque d'épouser qui il veut, notamment les gay. Hélas, je crains pour eux qu'ils ne se marieront que quand les poules auront des dents, du moins aux États-Unis. Et les cyniques n'ont pas manqué de souligner qu'une telle prise de position était en fait une manière paresseuse pour eux de "moraliser" leur concubinage et le fait qu'ils vivent dans le péché. Signalons tout de même que le couple a adopté assez d'enfants (et notamment d'enfants de pays pauvres) pour montrer que ce n'est pas l'engagement de couple ou l'engagement parental qui leur fait peur...

Plus loin, sur la même page, vous lirez qu'un prêtre hollandais avoue à la police (venue l'arrêter) avoir provoqué une fausse alerte à la bombe afin d'empêcher un concert de Madonna. Ce prêtre, voulant éviter que Madonna joue son habituelle provocation (ce qu'elle arrêterait de faire si personne ne s'intéressait à elle), a utilisé le téléphone de son propre domicile... Qui a dit: Toutes les organisations ont les dingues qu'elles méritent ? Si l'alerte avait provoqué une panique des spectateurs, et peut-être des morts ou des blessés, ce prêtre porterait une grave responsabilité. J'ai déjà vécu une alerte à la bombe lors d'une Gay Pride à Bruxelles et je remercie le Ciel que tout le monde ait gardé son calme.

Tant qu'on reste dans les ragots sur les célébrités, cela fait au moins 15 ans qu'il se dit que la raison principale qui a amené l'acteur et producteur Tom Cruise à rejoindre la Scientologie, c'est parce qu'elle le tient (par où?) et le fait chanter. Il aurait subi des analyses (comme tous les catéchumènes potentiels chez eux) qui auraient montré qu'il a des phantasmes masturbatoires homosexuels (en tous cas plus que la normale, je suppose). Et les Scientologues (sentant le juteux citron à presser), non seulement lui avaient promis de l'en guérir, mais aussi l'ont menacé de tout révéler si l'acteur les quitte. J'ai retrouvé le même propos dans un article visant à stigmatiser l'usage du chantage dans la Scientologie. La seule chose qui est sûre, c'est que Tom Cruise n'a jamais fait de procès pour démentir cette rumeur, ce qui en dit long à Hollywood.

Autre vieux débat: Est-ce qu'une loi contre l'homophobie empêche d'exprimer des opinions religieuses légitimes contre l'homosexualité? On entend souvent cet argument dans la bouche de religieux (parfois des évêques catholiques) pour tenter d'empêcher que de telles lois soient votées. Notamment en Californie. J'ai déjà exprimé mon analyse: on peut être contre l'homosexualité sans être homophobe. Tout est dans le choix des mots et des attitudes. Exactement comme on peut trouver qu'il y a un problème dans un pays avec le nombre d'étrangers présents sur le territoire sans tenir des propos racistes. Je serai donc heureux chaque fois que les juges et les tribunaux auront à se prononcer et probablement à expliquer à certains qu'ils ont dépassé les bornes, même si c'est de bonne foi, et à d'autres qu'ils sont trop susceptibles et devraient se calmer.

Enfin, l'association anglaise des policiers gay a reçu des menaces de mort depuis qu'elle a publié des chiffres montrant une hausse de 75% des crimes à caractère homophobe, et surtout pour des motifs religieux. Les associations ultra-religieuses fulminent et exigent que les panneaux publicitaires annonçant ces chiffres soirent retirés et les policiers punis.

On va encore me dire que j'exagère, mais j'ai de plus en plus de mal à ne pas voir de lien entre des responsables religieux, politiques ou culturels qui (d'en haut) tiennent des propos homophobes (light ou caloriques) et les pédé qui, sur le terrain, se font tabasser, incendier, insulter ou même assassiner. Je sais la différence entre "coupable" et "responsable", merci bien; et bien sûr que je ne dis pas que les responsables religieux (par exemple catholiques) sont "coupables" de ces crimes homophobes. Mais on doit leur reconnaître une forme de tiédeur à dénoncer ces crimes.

Je ne vois pas bien pourquoi (je le racontais dernièrement) l'évêque (catholique) de Glasgow s'agite quand des pompiers sont punis pour ne pas avoir été bosser un jour de Gay Pride mais qu'il ne dit rien le jour où un pédé est retrouvé mort dans sa ville, tabassé à mort. Deux poids, deux mesures? De même, l'archevêque (anglican) de Canterbury et primat d'Angleterre désapprouve une loi qui interdirait la discrimination contre les homo dans les hotels, les restaurants, les écoles et les magasins. Il trouve, au minimum, que les institutions religieuses devraient avoir le droit de pratiquer ces discriminations et être dispensées d'appliquer ces lois. Acceptable dans une société démocratique?

En gros, la religion est-elle au-dessus de toute critique de la part des sociétés civiles? Quand les religions nous persécutent et nous insultent, sont-elles en droit de le faire sans en payer le prix? Qu'il s'agisse de Chrétiens, de Musulmans ou d'autres, j'ai de plus en plus de mal à voir comment on peut exiger, au nom de la liberté religieuse, qu'elles ne respectent pas les droits de l'homme.

Pas de racisme, de sexisme, d'anti-sémitisme, de xénophobie ou d'homophobie dans une société démocratique, même pour des motifs religieux. Et en cas de doute, que les tribunaux tranchent. Dans certains cas, ils diront que les plaignants ont tort, et dans d'autres cas qu'ils ont raison. C'est simple.

Les homo ont le droit, comme tout le monde, de vivre dans un environnement qui ne soit pas un danger pour leur vie et leur sécurité, et les gens hostiles à l'homosexualité se doivent d'adopter des attitudes qui ne soient pas une agression verbale ou physique. L'opposition, soit, mais pas l'homophobie.

On ne peut obliger personne à aimer les homo ou à les approuver, mais on doit obliger tout le monde à les respecter. C'est un minimum.

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