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Un Blogue CathoGay
4 octobre 2006

340. on n'en a pas fini

Je ris souvent en lisant certains commentaires de "schtroumphs à lunettes". Il y a des donneurs de leçons qui ne manquent pas d'air, et notamment ceux qui se permettent de faire des commentaires pour condamner des émissions de télé... qu'ils n'ont pas vues. Je suis sûr que même les schtroumphs à lunettes ont plein d'amis qui les aiment... S'ils voulaient juste se rendre compte à quel point ils déforcent leur position...

Pour en revenir à ma note sur l'émission de dimanche soir à la BBC, on peut la voir en ligne à cette adresse et on y trouve même un retranscription du texte (pour ceux d'entre vous dont l'anglais parlé n'est pas le point fort).

Entretemps, j'ai eu quelques avis d'hommes de confiance, et notamment de deux canonistes dont un docteur et un vaticaniste. Ils ne sont pas étonnés que l'on cite Crimen Soliticionis puisque c'est le cardinal Ratzinger lui-même qui en a révélé l'existence le 18 mai 2002, en déclarant qu'il préparait un nouvel ensemble de normes pour traiter les situations de prêtres abuseurs d'enfants et d'adolescents (une lettre aux évêques du monde entier). En fait, il a créé la stupeur avec cette annonce, tant le secret était bien gardé. Mais on sait maintenant qu'il ne dédaigne pas toujours ce genre de situations...

Donc, ce document concerne bien ces cas de prêtres pédophiles et il a bien été utilisé pendant 40 ans, depuis 1962, en contenant ces dispositions qui sont absolument choquantes pour beaucoup aujourd'hui, notamment le secret imposé aux victimes et aux témoins sous peine d'excommunication immédiate (que seul le pape lui-même peut relever).

En sens contraire, ce que l'on comprend de la position du cardinal Ratzinger à l'époque, c'est qu'il n'interprétait pas Crimen Solicitationis comme une obligation faite aux évêques de soustraire ces prêtres criminels aux juridictions civiles mais uniquement comme des normes de comportement canonique à l'intérieur de l'Église. Plus d'une fois, il est dit que ce texte n'est pas une manoeuvre pour couvrir des crimes. Par contre, le cardinal n'a pas démenti que certains évêques (sur le terrain) ont pu l'utiliser dans ce sens... Gros débat: est-ce le texte qui est fautif ou sa mauvaise utilisation localement?

De plus, toujours selon une lecture "vaticane" du texte, le but du l'usage du secret dans l'Église ne devrait jamais être de "couvrir" des crimes, mais au contraire de garantir aux victimes que leurs témoignages ne seront jamais rendus publics (et donc que les victimes puissent parler librement et sans peur de représailles). Dès lors, les évêques qui n'ont pas respecté les lois criminelles de leur pays ont mal interprété ces normes et n'ont peut-être pas respecté leur esprit. Tout comme ceux qui ont utilisé la règle du secret pour enterrer des affaires de pédophilie dans le clergé et forcer les victimes à se taire.

Donc, ceux qui disent que c'est une erreur de relier les abus de ce document au cardinal Ratzinger ont un argument valide. Néanmoins, le "patron" doit bien à un moment ou l'autre recevoir le blâme pour les bourdes de ses collègues... Il n'y a certes pas de culpabilité (je n'en dirais pas autant pour tous les évêques, et notamment pour le procès contre le cardinal Levada quand il était encore archevêque de Portland, en Oregon) mais à tout le moins une responsabilité de l'Église en tant qu'institution.

De plus, il est bien exact que les autorités catholiques n'utilisent plus ce texte. Déjà en 2004, le cardinal Ratzinger expliquait que, bien que les nouvelles normes ne soient pas encore publiées, il demandait de n'appliquer Crimen Solicitationis qu'avec prudence et de plutôt se servir déjà des nouvelles normes, telles qu'il les décrivait dans les grandes lignes. Dès lors, il est bien exact que ce document de 1962 fait partie du passé et que ceux qui l'utiliseraient encore sont en faute.

Néanmoins, les associations de victimes furent extrêment déçues (faute de trouver un autre mot) que Crimen Solicitationis ne soit pas purement et simplement condamné et aboli par le cardinal Ratzinger ou qu'il ne reconnaisse pas publiquement que son usage a été un véritable désastre dans de nombreux diocèses. Reproche lui a été fait d'une certaine "insensibilité" et de simplement affirmer qu'un nouveau texte succédait à un texte dépassé, sans plus, sans état d'âme. Une attitude manquant de compassion pour les victimes, ont dit certains.

Pour ces raisons, je ne partage pas l'avis selon lequel, parce que ce document fait partie du passé, il faut cesser de reprocher aux autorités catholiques de l'avoir utilisé. Je ne comprends pas ceux qui disent: "Puisque les responsables de l'Église ont reconnu leur erreur et tourné la page, faisons de même et passons à autre chose". Après tout, à ce que je sache, des victimes existent encore qui attendent réparation. Et en dehors des pays où les scandales ont éclaté (en Amérique du Nord et en Europe surtout), on ne me fera pas croire que les autres continents sont absolument "vierges" de telles affaires. On parle du Brésil et de l'Amérique Latine, on parle de certains pays d'Afrique...

Même l'argument selon lequel les victimes sont poussées par des avocats qui ne pensent qu'au pognon des indemnités ne me semble pas suffisant pour transformer les victimes en agresseurs de l'Église et écarter leurs réclamations.

Certes, le pape et les cardinaux ne risquent rien judiciairement: ils sont couverts par l'immunité diplomatique, l'un comme chef d'état et les autres comme "princes d'une famille régnante étrangère", pour reprendre les termes diplomatiques techniques. Par contre, les hiérarques locaux pourraient ne pas échapper à l'oeil des juridictions criminelles civiles, surtout pour complicité ou pour avoir aidé des criminels à échapper à la justice.

Et je n'ai aucune peine à imaginer le désastre financier pour certains diocèses. Certes, je le regrette pour eux mais je n'aimerais pas qu'on mette dans la balance les intérêts financiers d'un diocèse d'un côté et la justice faite aux victimes de l'autre. Je le répète: je ne vois pas dans la position de l'Église actuellement que les évêques locaux devraient se soustraire à leurs obligations civiles. S'ils l'ont fait, ils risquent tout simplement de se faire lâcher par le Vatican.

Un autre argument dont je ne vois pas la logique, c'est celui qui dirait: puisque les reproches viennent de nos ennemis, écartons-les et faisons bloc pour protéger nos évêques. Car, en fin de compte, qui s'étonne que les ennemis de l'Église lui veuillent du mal et utilisent toutes les armes à leur disposition pour l'attaquer? Moi pas, en tous cas. Me dire que les journalistes qui ont dévoilé ces faits sont anti-catholiques ou hostiles à l'Église ne me semble pas suffisant pour que je ne les prenne pas au sérieux. Quoi? Je ne devrais croire que les gens de mon bord? Drôle de conception. Dans la presse catholique, il y a plein de "péchés de propagande" également, et je ne dirais pas que les média catho sont a priori plus crédibles.

Hélas, j'ai le sentiment qu'il suffit de dire du mal de l'Église pour voir tout de suite des gens écrire "ce n'est pas possible, c'est sûrement tendancieux, foutus journalistes, beurk la presse". Je me demande où est l'absence d'esprit critique... Ou, pire encore, quand on me que "la seule presse objective est la presse catholique" et que je ferais bien de lire uniquement celle-là. Mouais.

Après tout, quand Jean-Paul 2 a demandé pardon en mars 2000 pour les fautes commises au nom de l'Église, il n'a pas officiellement promis qu'il n'y en aurait plus jamais. Rien ne dit que quelques "gros" scandales ne nous attendent pas dans le futur. Ce n'est pas qu'il y ait des scandales qui me choque, c'est leur traitement (ou leur absence de traitement). Pour ma part, en tous cas, ma foi n'est pas basée là-dessus, ni mon amour pour l'Église.

Plus largement, mon sens de l'Histoire me fait dire qu'il est arrivé et qu'il arrivera encore que l'Église remercie finalement Dieu de lui avoir fait rencontrer de solides ennemis car, grâce à eux (et pas seulement malgré eux), elle a réussi à progresser.

Que les ennemis de l'Église soient mal intentionnés vis à vis d'elle, soit. Que l'information qu'ils diffusent en soit forcément inexacte a priori, ce n'est pas mon avis. Le moins qu'on puisse faire, c'est de ne pas verser à son tour dans la propagande en criant tout le temps "au loup!".

Enfin, j'ai discuté hier avec des papas et des mamans catholiques. Leur horreur de ces scandales de prêtres violeurs d'enfants et d'adolescents et de l'incompétence de certains évêques m'a surpris par sa vigueur. Et à ceux qui voudraient qu'on modère les critiques faites aux autorités catholiques, je réponds simplement: "et si c'était arrivé à vos enfants?" Du coup, en comparaison du "fidèle moyen", je me trouve finalement très modéré dans mes propos...

Pour revenir à la raison d'être de ce blogue, et recentrer la question: je voudrais tout de même qu'on se pose clairement une bonne fois la question de l'apparition des discours très homophobes dans l'Église au lendemain de ces scandales de prêtres violeurs... Comme d'autres, je regrette de manière totale et absolue que les autorités de l'Eglise ne disent pas haut et fort que les homosexuels ne sont pas liés à ces scandales, ou ni plus ni moins que les hétérosexuels.

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