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Un Blogue CathoGay
3 septembre 2005

117. n'est pas Eliott Ness qui veut

La nouvelle commence à dater, mais une parution récente (27 août) dans Le Monde m'a incité à partager quelques réflexions sur la démission de Mgr Juan Carlos Maccarone (64 ans), évêque de Santiago del Estero en Argentine. Le Vatican a accepté sa demande le jour même, après avoir visionné une vidéo où on voit l'évêque ayant des relations sexuelles avec un jeune homme de 23 ans. Une vidéo que toute la presse argentine avait reçu le même jour.

Pourtant, Mgr Maccarone était une figure très populaire et très respectée en Argentine. En annonçant la nouvelle, l'archevêque de Buenos Aires a rappelé que Mgr Maccarone avait été "très engagé dans la réalité de la province" la plus pauvre du pays et qui avait été surnommée "la province de la terreur". Sans parler de ses publications théologiques assez connues en Amérique Latine.

Mgr Maccarone avait joué un rôle décisif, en 2004, dans la destitution et l'arrestation de l'ancien gouverneur Carlos Juarez, de sa femme, et des caudillos péronistes qui avaient gouverné d'une main de fer pendant cinquante ans Santiago del Estero, et qui étaient accusés de corruption mais aussi d'être mêlés à des crimes sordides.

Parmi eux, celui de l'ancien gouverneur, en 1991, qui avait tenté de rompre avec les Juarez et qui a été assassiné. Le prédécesseur de Mgr Maccarone, Mgr Gerardo Sueldo, devenu un symbole de la résistance aux Juarez, est mort un matin de septembre 1998 dans un douteux accident de voiture.

Mais ce qui a fait bouger les masses puis le gouvernement argentin, c'est l'horreur de l'assassinat de deux jeunes filles, dont les corps avaient été retrouvés en février 2002. Au cours d'une orgie combinant sexe et drogue, organisée par les fils des caciques locaux, elles avaient été tuées, puis découpées et leurs restes servis aux animaux d'un zoo privé.

Le président péroniste Nestor Kirchner avait placé la province sous tutelle fédérale. Les enquêtes avaient permis le démantèlement d'une police secrète, baptisée "la Gestapo des Juarez", qui espionnait les opposants de la dictature provinciale.

Plusieurs courriels me sont arrivés ces derniers jours pour envoyer un message de soutien à cet évêque. Je ne sais pas encore si je vais le faire, j'hésite... Voici aussi son adresse postale si ça vous chante: Mgr Juan Carlos Maccarone, obispo emérito de Santiago del Estero, Av. Belgrano (Sud) 450, G4200AAR SANTIAGO DEL ESTERO, Argentina

Néanmoins, toute cette affaire m'inspire différentes réflexions, et comme elles vont dans tous les sens, je vous les présente comme ça, sans mettre de l'ordre...

Quand Jésus dit: "soyez purs comme la colombe et rusés comme le serpent", il savait sans aucun doute de quoi il parlait. On ne prend pas la défense des victimes de l'injustice sans se cuirasser un peu. Heureusement que ce scandale est arrivé après la victoire contre les corrompus. Mais imaginez si, à cause de cette vidéo, les salauds n'avaient pas été destitués et étaient encore en place... On ne s'attaque pas au méchant sans devenir Eliott Ness, l'incorruptible total. Il me semble que cet évêque, plein de bonnes intentions et de zèle, a un peu joué avec le feu. Croire que les méchants ne vont pas se venger, c'est tout de même un peu naïf...

La seconde chose, c'est que cet homme a été piégé par de vrais pro. Pour que son jeune amant le filme, il faut tout de même une vache de technologie qui ne coûte pas rien à installer et à opérer. Sans parler du montage et de la diffusion de la vidéo à toute la presse et jusqu'à Rome: Quelle organisation! C'est vraiment puant, dans le genre vengeance...

Mais aussi qu'un jeune homosexuel ait accepté d'être payé pour se venger d'un autre homme homosexuel, et quel homme, c'est assez triste... Nous vivons, nous les pédé, dans l'illusion que notre "communauté" est protégée par une sorte de loi du silence selon laquelle un pédé ne trahira jamais un autre pédé à des hétéro. Et, à ma constante surprise, cette loi fonctionne plutôt bien, grâce à Dieu: combien de fois ne me suis-je pas retrouvé en public devant d'anciens amants occasionnels et nous avons fait parfaitement semblant d'être de parfaits inconnus. Néanmoins, il y a des exceptions et je me rends compte qu'elles font mal. J'aimais bien vivre dans l'idée qu'un pédé ne trahit jamais... Je sais, c'est un peu romantique et naïf, et alors?

Puis, il y a le fait qu'un sexagénaire ait une aventure avec un jeune homme de 23 ans. Les mauvaises langues suggéreront toujours qu'il a payé. Certains seront dégoûtés à l'idée de la scène. Honnêtement, pour ça je suis comme les hétéro: si un homme de 60 ans vient se vanter qu'il a tombé une jeune femme qui a 40 ans de moins que lui, tous les autres hommes vont l'envier voire le féliciter (ou le haïr). D'ailleurs, quelques sexagénaires habitués à la presse pipole ont de tous temps défrayé la chronique pour leurs goûts des jeunettes ou leurs paternités très tardives. Pourquoi serait-ce différent avec les pédé? Si un mec peut lever un jeune (sans le payer), où est le scandale? L'âgisme est un mal qui guette beaucoup d'homo, dans un milieu où la beauté et la forme physiques sont souvent mis en avant comme critère principal pour juger quelqu'un. En l'occurence, la vue sur la vidéo d'un sexagénaire physiquement quelconque et bigleux avec un bel étalon argentin musclé a certainement participé au choc éprouvé par certains. C'est peut-être un peu dommage. Moi même, je me frappe la poitrine et je me repens.... ;)

Autre réflexion, qu'il s'agisse d'un homo ou d'un hétéro, un évêque dont on a filmé les ébats sexuels est éjecté à la vitesse de l'éclair. Ou, soyons honnête: sa démission est acceptée dans l'heure. Et s'il avait été convaincu d'autres faits graves (alcoolisme, violence, détournements de fonds, complicité dans un crime, collaboration avec des nazi, avoir couvert un violeur ou un pédophile, etc.), est-ce qu'on l'aurait démis aussi vite? Probablement qu'il se serait passé quelques semaines au moins. Il y a quelque chose que je remarque toujours dans le rapport entre christianisme et sexe: les fautes sexuelles font réagir les autorités au quart de tour.

Honnêtement, si je devais mettre dans la balance un évêque qui a couvert des viols de mineurs par d'autres prêtres ou bien qui a été filmé en train de baiser, je ne suis pas sûr que je dirais que le second devrait démissionner plus vite que le premier. Et pour la masse du grand public, la foule immense des fidèles, quel est le scandale le plus grand: savoir qu'un évêque baise ou qu'il n'est qu'un lâche qui a couvert des viols de mineurs pendant 15 ans? Or, que vois-je, les évêques qui ont couvert ces viols de mineurs sont toujours là, et certains sont même promus... Est-ce juste? La population de son diocèse ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a manifesté pour le garder... Et dans un pays macho et homophobe comme l'Argentine, ça en dit long sur le respect qu'on a pour cet évêque...

Enfin, et c'est mon point majeur: qu'est devenue la sainte vertu chrétienne du pardon? Un homme commet une faute grave (si tant est que...), il l'admet publiquement, il demande pardon... et tout ce qu'il a fait de bien dans le passé compte pour rien?

Personnellement, si j'étais responsable de l'Eglise Catholique, je lui aurais fait entendre l'engueulade de sa vie, avec quelques bonnes phrases bien senties, et en public pourquoi pas. Je lui aurais flanqué une bonne raclée, avec une pénitence pas piquée des vers, genre aller à genoux de Buenos Aires à Mexico. Et puis, la pénitence faite, je lui aurais dit: "Maintenant, tu te remets au boulot, voilà un autre poste et tiens-toi à carreau." Au lieu de ça, il a été placé "en résidence" dans un monastère à l'étranger... Autant dire qu'on a tiré la chasse sur cet homme. C'est tout de même un peu ingrat, me dis-je.

Se priver de cet évêque juste parce qu'il a fait quelques galipettes les soirs où ça le grattait trop? Je trouve que les autorités catholiques cultivent tellement le culte du héros et du saint qu'elle n'arrive même plus à pardonner.

Au Moyen-Âge, au contraire, là on avait le sens de la vrai pénitence... mais aussi du pardon qui suivait. Une Eglise qui ne pardonnerait plus? Et qui aussi, du coup, ne demanderait jamais pardon pour ses propres fautes? Mwouais... pas très réjouissant tout ça...

Les deux versions d'Eliott Ness, d'abord celle en noir et blanc, de la série télé:

et puis la version cinéma avec Kevin Costner (qui n'est jamais si beau que quand il ne bouge pas et surtout qu'il ne parle pas)

et enfin, ce pauvre Mgr Juan Carlos Maccarone

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