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Un Blogue CathoGay
27 décembre 2005

194. celui qu'il aimait

Ce 27 décembre, le calendrier des saints nous propose la fête de saint Jean, l'auteur présumé du 4ème évangile, de quelques épîtres et puis de l'apocalypse. Le frère de Jacques, fils de Zébédée (tous les deux ayant été baptisés "fils du tonnerre" par Jésus à cause de leurs colères et de leurs disputes homériques). Celui qui était présent au Calvaire, lors de la mise en croix de Jésus. Et celui qui plus tard reprit Marie, la Mère de Jésus, chez lui. Il a aussi eu un rôle important pour aider Pierre à reconnaître la résurrection de Jésus, notamment sur les berges du lac de Galilée.

Mais surtout, pour moi, Jean est celui dont il est écrit plusieurs fois qu'il était le disciple que Jésus aimait.

Bien sûr, je n'ignore pas qu'il y a des discussions d'experts pour savoir si cette expression se rapportait vraiment à Jean l'apôtre, ou bien à un autre disciple, ou encore que l'évangéliste ("celui qui porte témoignage") et l'apôtre ("celui que Jésus aimait") sont deux personnes différentes, voire peut-être trois. Certains mêmes suggèrent que le disciple en question est en fait Marie-Madeleine (cfr le point de départ de l'intrigue du Da Vinci Code).

Mais laissons là ces arguties: la fête d'aujourd'hui fait référence à ce jeune homme imberbe et colérique, probablement très attachant et en même temps énervant au possible, et qui est représenté sur tous les tableaux de la dernière Cène avec la tête posée sur le sein du Christ, c'est à dire le plus intime des disciples de Jésus. Son chouchou, son bien-aimé, son intime.

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De nos jours, d'ailleurs, on comprend mieux l'implication pratique de cette expression et la scène qu'elle décrit, notamment en fonction des coutumes liées aux repas. Car contrairement à ce qu'on représente souvent sur les tableaux, on ne mangeait pas assis à table mais bien couché. Et donc on s'appuyait sur son coude gauche, faisant un angle d'environ 45° avec le table et utilisant la main droite pour atteindre avec ses doigts la nourriture disposée dans de grands plateaux. Devant Jésus (couché juste devant lui), se trouvait Jean, qui n'avait qu'à pencher la tête en arrière pour se retrouver contre l'épaule de Jésus, son sein. C'était la place du chouchou, du bien-aimé, du favori, de l'intime, de celui qui recevait les meilleurs morceaux de nourriture mis dans sa bouche par la main même du bien-aimé. Dans beaucoup de familles, c'était la place du fils préféré, de l'héritier ou tout simplement du chouchou du père. Dans les repas de fête, c'est là que se couchait l'invité d'honneur du maître de maison ou son favori. Dans certaines scènes, c'est clairement la place de la favorite, de la première concubine (sauf que dans le milieu de Jésus, les hommes et les femmes ne mangeaient pas ensemble, ce serait indécent).

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Léonard de Vinci

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Est-ce que Jean et Jésus étaient assez intimes pour coucher ensemble? Honnêtement, je n'en ai rien à cirer. Une chose est sûre, c'est que l'affection que Jésus donnait à Jean était particulière, intense, et tellement forte qu'elle est restée brûlante dans sa vie jusqu'au bout. C'est Jean qui écrira plus tard "Celui qui aime, connaît Dieu" et qui a trouvé les plus belles expressions pour dire que le Dieu des Chrétiens, c'est l'Amour. Alors, qu'il y ait quelque chose d'homosexuel entre eux? Jésus ou Jean ou les deux étaient-ils homo ou bi? Sommes-nous devant un cas de pédérastie à la grecque? Ce n'est pas très utile à la discussion et on n'en saura jamais rien. Ce qui est certain par contre, c'est que les homo (et les bi) de toutes les époques y reconnaissent le genre d'affection qu'on peut avoir entre hommes (Jean est un adulte selon les critères juifs). Une affection qui diffère de la simple "amitié virile" ou encore d'une sorte de "paternité ou de fraternité spirituelle". C'est un amour fait de tendresse, avec des accents physiques très certainement.

Ceci dit, je ne suis pas étonné que les homophobes tentent de minimiser cette affection entre hommes, et surtout ses aspects physiques. Encore récemment, j'entendais une homélie où l'on faisait de Jean le disciple idéal et où l'expression le disciple chéri ou le disciple bien-aimé n'était juste qu'une métaphore. Comme si les femmes avaient le droit de facilement parler de Jésus comme de leur "bien-aimé" (cfr Thérèse d'Avila par exemple) et être déclarées les épouses mystiques du Christ; mais par contre, pour les hommes, c'est un peu gênant, voire embarrassant de trop s'appesantir sur cette scène qui ressemble un peu trop à une scène de couple. Cet amour entre hommes dont aujourd'hui on nie l'existence par un effet d'hétérocentrisme auquel on attribue en plus la sainteté d'être écrit dans la Bible dès la Genèse par la volonté de Dieu soi-même.

Et si c'était justement une des contributions essentielles des homo à l'Église et aux hommes (aux mâles), de leur ré-apprendre ce que c'est que d'être passionnément aimé par un autre homme? Non pas seulement "platoniquement" mais avec toute la tendresse dont un homme est capable pour un autre. Après tout, un apôtre sur 12, ça ferait à peu près la proportion des homo dans le monde, selon les versions "moyennes" qui situent le nombre d'homosexuels entre 5 et 10%...

Jean a ressenti, de la part de Jésus, un amour que les onze autres disciples n'ont pas éprouvé. Cela le met à part, certes. Mais surtout cela lui permet d'apporter quelque chose aux autres... Tout comme Pierre ou Matthieu ont une autre expérience de Jésus à partager...

Nous, les cathogay, nous pouvons trouver dans cette fête de saint Jean une occasion de nous réjouir. Chaque fois que nous regardons un tableau de la Dernière Cène, nous pourrions nous dire: voilà ma place à table, tout contre le coeur de Jésus, et voilà aussi ma place dans l'Église. Et c'est une place que Jésus me donne, parce que JE suis celui qu'il aime.

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