201. liquider les limbes

Une commission théologique réfléchit depuis décembre sur le fait de liquider définitivement l'hypothèse de l'existence des limbes.

Qu'est-ce que c'est?

Tout d'abord, ne pas confondre les limbes avec la fameuse danse tropicale homonyme (limbo) où l'on passe tous sous une barre horizontale qui baisse de plus en plus au fur et à mesure de la soirée...

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Non, il s'agit encore d'une de ces fabrications théologiques un peu en porte à faux avec le message de Jésus-Christ mais qui ont la vie dure...

Ce cher saint Augustin (qui ne faisait pas toujours dans la nuance) est à l'origine de différentes théories, dont celle du péché originel... Et voilà qu'au 5ème siècle, il s'est opposé à ce qu'on dise qu'un non-baptisé puisse entrer au paradis. C'est tout ou rien: l'enfer est pour les pécheurs et les non-baptisés, point final.

Cinq ou six siècles plus tard, saint Thomas d'Aquin et quelques autres ont trouvé que c'était tout de même un peu dur comme théorie. Sans parler qu'il y a un tas de non-baptisés "méritants" (comme Platon par exemple) et ces millions de bébés morts avant le baptême et qui ne méritent pas l'enfer...

Voilà la raison de l'invention des limbes: une zone "dé-paradisée", juste à la frontière ou à la frange (limbus) de la béatitude éternelle. Pas une zone où l'on est malheureux, juste une zone... pour zoner (en attendant la fin du monde et le retour du Christ).

Pendant des siècles, on a dit aux parents que leurs enfants morts-nés et non-baptisés étaient dans les limbes. Et donc qu'ils n'avaient aucune chance de les rencontrer, même après leur mort et leur entrée au paradis. D'où l'urgence avec laquelle on baptisait les bébés, parfois même avec une seringue d'eau bénite quand la sortie du ventre maternel faisait problème.

C'est aussi là qu'on mettait les "justes méritants", non seulement Platon, Aristote et les grands penseurs de l'antiquité, mais aussi les grandes figures de l'Islam ou du Judaïsme (comme Moïse). Selon certains, c'est dans les limbes que le Christ est allé entre le vendredi saint et la Résurrection le matin de Pâques (d'où la fameuse expression du credo: il descendit aux enfers).

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Andréa Mantegna

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Jusqu'au milieu du 20ème siècle, l'existence des limbes était l'hypothèse théologique la plus communément admises, même par les papes. Mais après le Concile Vatican 2, on a prudemment envoyé la théorie aux oubliettes.

Hélas, elle est revenue à la surface avec les militants anti-avortement (et Dieu sait s'ils sont militants). Que deviennent les foetus quand ils meurent? Ont-ils une âme ou pas? Vont-ils dans les fameuses limbes?

On sait que le cardinal Ratzinger était, dès les années 80, en faveur d'une disparition de l'hypothèse des limbes, bien qu'il soit un tenant des thèses augustiniennes (et par exemple les fameuses thèses sur le naturel et le contre-nature).

Aujourd'hui, on s'achemine vers le fait de dire qu'il n'y a pas de limites à la puissance du salut opéré par Dieu en Jésus-Christ. Et que donc sa bienveillance va même à tous ceux qui n'ont pas eu accès au baptême, qu'ils soient bébés, foetus ou bien "méritants"...

Bien sûr, le mot limbes sert aussi, sur le mode figuré, à désigner l'endroit où se trouvent toutes les questions mises au frigo comme l'ordination des femmes, le re-mariage des divorcés, l'ordination d'hommes mariés et, bien sûr, la question des homosexuels. Si on voulait faire de l'humour, on peut se demander où l'on va ranger toutes ces questions oubliées si les théologiens réunis par le Vatican liquident les limbes.

Ceci dit, à la vitesse où on liquide la théorie des limbes, je me demande combien de temps il va falloir pour liquider les théories qui concernent les minorités sexuelles...

Quant à savoir si ces 300 théologiens appelés à Rome pour enterrer les limbes n'avaient pas quelque chose de plus utile à faire de leur précieux temps...

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Alonso Cano