262. saisir jusqu'au dernier

J'aime bien le Samedi Saint (sauf que, parfois, quand on est engagé dans une paroisse, il y a plein de boulot). J'apprécie cette impression de temps suspendu: entre la Mise au Tombeau le vendredi soir et puis l'allumage du Feu Pascal le samedi soir, il y a ce temps aliturgique où il ne se passe pratiquement rien. Tout fait silence, comme dans l'attente.

Par contre, pour le Christ, la tradition dit que c'est une période de très intense activité, puisque c'est le moment de la Descente Aux Enfers. Avant de sortir du Tombeau, le Christ victorieux de la mort (par la force du don de sa vie et de son amour pour le Père et pour nous tous) rejoint chacun au plus profond des Enfers. C'est là sa victoire finale, sur la mort, non seulement la sienne mais celle de tous les hommes, depuis Adam et Eve. D'où les représentations de la Résurrection dans le monde orthodoxe, où c'est la Descente aux Enfers qui est représentée (et non la Sortie du Tombeau, comme dans le monde latin).

"Les portes de la mort n'ont pas retenu le Jeune Epoux. Et comme d'une chambre nuptiale, il sort triomphant, entraînant avec lui toute l'humanité, telle une épouse comblée." (grand canon de Pâques)

Contrairement à certaines traductions (surtout en anglais), il ne s'agit pas de l'Enfer des Damnés (ce lieu non-géographique où se trouvent ceux qui refusent et combattent la moindre forme d'amour) mais bien les Enfers c'est à dire cet endroit où nous conduit la mort, la vraie mort finale mais aussi tout ce qui nous tue au quotidien.

Avec le Christ, la mort n'est plus un état, un lieu. Mais c'est juste une porte, un passage vers la vraie vie. Tout comme nous passons du ventre de la mère à la lumière. La mort ne retient plus "dans ses griffes", elle n'est qu'une simple étape à franchir, privée de toute force. On ne la craint plus.

Le plus important pour moi aujourd'hui, c'est de voir que le Christ Ressuscité rejoint chacun et le saisit pour le tirer vers la vie.

Nul n'est éloigné de la Victoire du Christ: ni les pécheurs, ni les monstres, ni ceux qui se prétendent indignes, ni ceux qui n'arrivent pas à se pardonner le mal horrible qu'ils ont fait, ni ceux qui sont convaincus de n'avoir aucune valeur.

Tous sont pris par la main, saisis par la force de la Vie du Christ et tirés vers lui. Et j'imagine bien la tête d'Adam et des autres, comme un noyé ou quelqu'un qui se trouve au bord du gouffre. Il regarde son sauveteur dans les yeux, le voit en train de le tirer de la mort et puis le serrer fort dans ses bras pour lui dire: "c'est fini, je suis là, tu es sauvé". Et tout tremblant, on pleure de soulagement, de joie et de gratitude.

Je sais que certains d'entre vous sont très loin dans les Enfers et je lis parfois des messages ou des notes de blogues indiquant clairement qu'il arrive qu'on se haïsse terriblement. Une haine de soi qui vient de ses propres actes mauvais, de ses seuls horribles désirs parfois, du regard réprobateur des autres aussi (réel ou deviné). Je sais que certains ne s'approchent plus de la communion ou de la confession parce qu'ils se sentent tellement sales ou tellement indignes qu'ils n'arrivent pas à imaginer Dieu en train de les aimer.

Je suis hélas à même de voir aussi cette attitude chez bien des homosexuels catholiques ou chrétiens, qui pourtant n'ont rien fait de mal.

La descente aux enfers, certains l'ont vécue. Certes, nous la vivons tous, à notre manière, mais je sais que certains y restent longtemps ou y sont encore. Ce n'est pas du folklore catho, ou une petite légende pieuse. C'est le lieu des larmes, du désespoir, de la honte, de la volonté de se détruire et d'effacer de la face de la terre le monstre que l'on est.

Mais aujourd'hui, mon Seigneur me dit: moi aussi je suis descendu aux enfers, et par la force de mon amour et de mon sacrifice, je rejoins chacun, toi y compris. Ne pleure plus. Reprends courage. Je suis là. C'est fini.

Bon samedi saint.