272. vers des eucharisties de placard

Le vicaire général du diocèse d'Augsburg, en Allemagne, le chanoine Josef Heigl (sur la photo), s'est exprimé pour l'agence Reuter sur la demande du Vatican qu'il n'y ait aucune célébration catholique à l'époque de la version locale de la gay pride (qui s'appelle le Christropher Street Day) pour qu'il n'y ait aucune impression que l'Eglise Catholique soutient d'une quelconque manière l'homosexualité (qu'à Dieu ne plaise!).

Pour ceux qui l'ignorent, le vicaire général d'un diocèse est le numéro deux, juste après l'évêque. En fait, pour les décisions quotidiennes, c'est probablement lui qui est le plus au courant, sinon le plus influent. Un peu comme le secrétaire général dans les organisations syndicales ou politiques.

Il se fait que depuis 1999, les Catholiques d'Augsburg organisent une grande célébration très colorée afin de prier pour les victimes du sida, ainsi que pour toutes les victimes de l'homophobie, en particulier dans ce pays qui se souvient de la barbarie nazie.

Mais malgré cette interdiction vaticane, Mgr Heigl ne comprend pas l'inquiétude vaticane et maintiendra le soutien du diocèse à cette célébration (et même son soutien personnel). Pour lui, le service religieux qui se tient à l'église Sinkt-Moritz est un moment important pour encourager les victimes du sida, mais aussi pour se souvenir des victimes homosexuelles des Nazi.

Et Mgr Josef Heigl de souligner qu'à aucun moment, il n'a été question d'annoncer qu'il s'agissait d'une célébration officielle impliquant une quelconque reconnaissance par le diocèse des thèses cathogay. Mais, dit-il à l'agence Reuter, il est évident qu'il va continuer à soutenir cette célébration. Une attitude assez courageuse, par ces temps de Révolution Conservatrice et de rétablissement de l'orthopraxie publique.

Bon, d'accord, c'est une petite histoire locale. Mais ceux d'entre vous sensibles aux symboles trouveront comme moi qu'il y a beaucoup à apprendre de cette situation.

Il me semble qu'interdire un service religieux à la mémoire des victimes du sida et des homosexuels tués par les Nazi parce qu'on craint de donner l'impression de soutenir l'homosexualité, que voilà une attitude peu humaine, encore une fois braquée sur les principes et non sur les personnes. Imaginez ce que vont ressentir les Catholiques malades du sida ou ceux qui sont victimes de l'homophobie meurtrière... Moi, par exemple, j'en pleurerais. Ma pensée va vers eux. Pardon, Seigneur. Ils ne savent pas ce qu'ils font

Plus généralement, que devient l'Eglise Catholique s'il n'est plus permis de célébrer, de prier, de se retrouver publiquement quand on est en désaccord avec la ligne pontificale du moment? Est-ce qu'on est Catholique uniquement dans la mesure où l'on est proche ou non du pape actuel? Comme s'il fallait croire la fiction selon laquelle chaque pape est parfaitement d'accord avec ses prédécesseurs... Et après avoir exclu pendant des siècles des Chrétiens de l'Eglise pour des désaccords dogmatiques, on est en train de s'abaisser à les exclure maintenant pour des désaccords en matière éthique? On étend l'infaillibilité pontificale du domaine du dogme vers celui de l'éthique? Mouais...

Mais je me demande aussi s'il ne faut pas voir dans cette intervention vaticane une excommunication de facto. Si les Catholiques LGBT sont interdits de prières et de célébrations publiques, et même interdits de participer en tant que tels à une célébration plus large, je pose la question: qu'est-ce qui leur reste? des eucharisties de placard? des prières dans des caves et des fonds de chapelle? assister à des célébrations catholiques en se cachant et en supportant des homélies ou des discours implicitement ou explicitement homophobes? L'idée de redevenir des cafards et des rats après avoir entrevu la possibilité de sortir en pleine lumière... déprimant. Quant aux prêtres, que risquent-ils comme sanction à offrir un service pastoral aux cathogay?

Autre exemple: aux Etats-Unis, il n'est pas autorisé de donner la communion aux membres de l'association The Rainbow Sash, qui se présentent avec une étole ou une écharpe (a sash) arc-en-ciel parce que, selon la version officielle, il faut y voir la manifestation publique d'une rébellion par rapport à la doctrine catholique. Donc, quand des papas ou des mamans de cathogay se présentent pour recevoir la communion, on leur dit "non", parce qu'ils portent une étole qui rappelle la souffrance et l'exclusion de leurs enfants. Pitoyable...

Pourtant, l'association propose vraiment une présence d'une discrétion totale: pas de paroles ni de slogans, pas de ticheurtes, pas de pancartes, rien qu'une écharpe arc-en-ciel en bandoulière... Et encore, pour des homo, c'est une toute petite écharpe de rien de tout, même pas mode. Si même ça, c'est insupportable pour les évêques...

Plus près de nous: que va-t-il se passer pour la célébration eucharistie prévue durant la Gay Pride de Bruxelles à la fin du mois? Connaissant nos amis de la Communauté du Christ Libérateur (CCL, l'association cathogay "historique", qui fête ses 30 ans), j'imagine bien leurs réactions s'il leur arrivait la même mésaventure qu'à Augsburg. Par contre, je suis prêt à prendre les paris sur la réaction des autorités catholiques de la capitale belge s'ils recevaient à leur tour une injonction vaticane... Moi je parie pour une inertie polie.

Déjà que l'an dernier, ils avaient été plus que réticents à ce qu'on dise publiquement qu'ils soutenaient l'eucharistie organisée conjointement par la CCL et une série de paroisses bruxelloises durant la gay pride. La rumeur murmure d'ailleurs que le fait d'avoir annoncé (erronément?) l'an dernier le soutien de l'évêque régional à cette eucharistie homophile a valu leur emploi aux journalistes de feue l'agence de presse CathoBel (depuis, il y a eu une restructuration de l'agence dans le sens d'une castration).

Enfin, autre interrogation: c'est au tour de Bruxelles (après Vienne 2003, Paris 2004 et Lisbonne 2005 et avant Budapest en 2007) d'accueillir le Congrès sur l'Evangélisation des Grandes Villes, à la Toussaint 2006. Avec son cortège d'activités dans les paroisses et les communautés chrétiennes pour montrer la vitalité de l'Eglise Catholique. On annonce notamment les conférences de Timothy Radcliffe (un homophile très courageux), d'Enzo Bianchi, ou encore Andrea Riccardi, Nicolas Buttet et Maggy Barankitse.

Est-ce que les organisateurs accepteraient d'inclure dans le programme officiel une quelconque rencontre cathogay? Par exemple une veillée de prière, ou une marche de toutes "les personnes concernées par la question des minorités sexuelles"... Je pense d'ailleurs qu'il est temps de se rencontrer entre cathogay pour lancer des idées à ce sujet. Je trouverais dommage que dans un pays où civilement les droits des homo sont assez avancés, on soit totalement absent de la plus grande manifestation catholique depuis des décennies.

Ceci dit, pour être plus pratique, si certains d'entre vous (de Paris, Lisbonne, Vienne, Budapest ou ailleurs) sont cathogay et voudraient trouver du logement à Bruxelles à la Toussaint 2006, je les invite à me contacter ou bien à contacter directement la CCL. Il y a bien sûr une organisation officielle de logement chez l'habitant, mais je suis sûr qu'entre cathogay, on peut trouver quelque chose de plus sympathique encore...