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Un Blogue CathoGay
18 juillet 2006

304. pas seulement une question de mots

On m'écrit que je caricature la position officielle de l'Eglise Catholique sur l'homosexualité parce que je la durcis (ou pire, que je n'aime pas l'Eglise ou le pape). Sous-entendu: si j'aimais l'Eglise, je serais beaucoup plus nuancé et moins tranchant. Alors, je vais vous montrer que je l'exprime au contraire très justement, cette position officielle, avec une totale connaissance des mots et des terminologies. Je trouve qu'il faut arrêter de se voiler la face, et que les Catholiques homosexuels sachent.

D'autre part, de deux choses l'une: ou bien Jean-Paul 2 était un idiot complet quand il a demandé pardon pour les fautes de l'Eglise Catholique (et il faut avoir le courage de ses opinions), ou bien il était prophète et savait ce qu'il faisait. Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour ce que JP2 a fait, en tant que prophète. Et les gestes qu'il a posés durant le Jubilé de l'An 2000 sont tous à prendre avec le plus grand sérieux.

Alors, arrêtons de dire que l'Eglise est irréprochable et qu'il faut avaler tout cru ce que le Magistère dit à toutes les époques et sur tous les sujets. Oui, le Magistère est ignorant de certaines réalités scientifiques et humaines concernant l'homosexualité. Ce n'est pas lui manquer de respect que de le dire. Et oui, les hommes qui travaillent à élaborer ces textes sont certes de bonne volonté (je veux même bien admettre que ce sont des saints et moi je ne le suis pas) mais parfois ils sont dans la plus totale confusion (ou à la merci de leurs préjugés).

Autant je trouve qu'il faut avoir un a priori favorable quand on écoute quelqu'un parler (et particulièrement une personne d'autorité et de savoir), autant j'évite d'édulcorer quand ce n'est pas nécessaire. Le canon 212 est particulièrement clair dans ses trois paragraphes, et pas seulement dans le premier (beaucoup oublient de manière très commode - pourquoi? - le deuxième et le troisième). Comme j'aimerais que les homo Catholiques prennent à coeur le deuxième et le troisième paragraphe et ne se contentent pas du premier.

Excusez-moi déjà d'être long.

Partons, pour comprendre la position de l'Eglise, de l'autorité la plus autorisée: ni Anatrella, ni Navarro-Valls, ni l'Osservatore Romano, ni aucun mouvement christianiste particulièrement homophobe. Partons du cardinal Cottier, quand il était théologien de la Maison Pontificale, la voix la plus autorisée pour dire le Magistère quand il s'écrit (puisque, fort probablement, il tenait la plume quand ce texte a été composé). Et surtout cette interview où il se défend totalement d'homophobie.

Je soutiens trois choses: que pour le Magistère actuel, les homosexuels n'existent pas; que selon lui, pour un baptisé, l'homosexualité ne peut être lue autrement que comme une souffrance; que l'Eglise n'a absolument rien à recevoir de bon et au contraire ne peut être que blessée par l'existence de l'homosexualité. Sur ces trois points, il faut dire aux personnes qui écrivent les textes du Magistère qu'ils sont mal informés et qu'ils se trompent.

Sur le premier point, on lit facilement chez le cardinal Cottier que pour lui les homosexuels n'existent pas. Selon ses dires, il n'existe que quatre catégories d'hétérosexuels qui ont mal tournés: ceux qui ont une activité homosexuelle (les "pratiquants", en situation de péché mortel grave), ceux qui ont une tendance homosexuelle profonde (les "non-pratiquants", chastes mais irrécupérables), les épisodiques (ceux qui ont ou qui ont eu des phases) et enfin ceux qui ont des tendances légères à l'homosexualité.

On peut lire cette classification dans tous les sens, mais nulle part on n'admet l'existence des homosexuels et de l'orientation homosexuelle. Les bisexuels, bien sûr, n'existent pas non plus. Il n'existe, selon le cardinal, que des hétéro qui sont affectés soit d'une pathologie (et qu'on pourrait soigner, pense-t-il) ou d'un handicap irrémédiable (qu'il faut aider à soulager autant que possible), soit d'une maladie endémique (qui a des hauts et des bas mais qui doit rester sous contrôle).

La notion d'orientation sexuelle n'est pas scientifiquement connue du cardinal Cottier et donc de la Maison Ponitificale. Ou pour le dire autrement, il n'y a qu'une seule orientation sexuelle, celle voulue par Dieu depuis les origines de la Création: l'hétéro. Sur ce sujet bien précis, il est urgent que les résultats scientifiques les plus sûrs soient pris en compte: essentiellement que la sexualité humaine est composée de quatre éléments. Il s'agit du genre, de l'orientation, des préférences et de l'identité. Les deux premiers sont innés et permanents, les deux derniers proviennent de l'éducation, de la culture et de l'expérience personnelle. L'orientation homosexuelle n'est donc pas une préférence, ni une tendance.

Dieu a certes voulu la différentiation sexuelle aux origines de la Création. La doctrine officielle du Magistère a parfaitement raison sur ce point. C'est juste qu'elle ne l'a pas déployée totalement. Pourquoi limiter la puissance créatrice divine à la seule différentiation dans le genre masculin et féminin? Dieu est trop petit pour aussi différentier les orientations, les préférences, ou les identités? Drôle de petit Dieu qui manque d'imagination créatrice et qui ne sait créer que "logiquement" et "symétriquement"... Et si l'humanité n'était qu'au début de la découverte de l'immense variété de la richesse créatrice de Dieu?

Dans l'interview du cardinal Cottier, le fameux lobby gay est logiquement un ennemi mortel (mais historiquement récent selon lui), puisqu'il installe ses membres à croire qu'on peut s'affirmer homosexuel et être heureux. C'est comme si, pense le cardinal, des gens s'affirmaient haut et fort en tant qu'adultères, violeurs, assassins ou voleurs. Une erreur intellectuellement inacceptable, aux conséquences pastorales néfastes, pense le cardinal.

Deuxième point fondamental que je déplore: la seule voie de salut pour les personnes homosexuelles, toujours selon le cardinal Cottier, c'est de s'associer au Christ souffrant. D'une part, je suppose qu'il ne veut pas dire que ce n'est pas le cas des autres chrétiens car, à ce que je sache, nous devons tous nous associer au Christ en Croix. Même l'Immaculée Conception a été associée aux souffrances du Christ en croix, et combien. Donc, il me semble que suggérer de limiter cette union au Crucifié aux seuls homosexuels (ou aux seuls pécheurs) est abusive, à tout le moins. Si on tire des propos du cardinal Cottier que les homosexuels, en tant que tels, ont reçu comme vocation particulière la Croix et les souffrances qui l'accompagne, je pense qu'on l'a mal lu. Ce n'est pas le propre des homo d'avoir à s'associer à la Croix, comme une sorte de destin fatal ou de joug particulier à eux. Si même "celle qui est sans péché" est associée à la Croix, il est difficile de tenir que la Croix n'a que pour seul but de sauver quelqu'un du péché. Il me semble qu'il s'agit d'abord d'un sacrifice d'amour, d'une preuve de don total de soi.

La Croix est d'abord un sacrifice de Dieu, avant d'être un sacrifice à Dieu.

Pour faire simple: même les homo ont à se convertir, à opérer certains renoncements dans leurs modes de vie. Et je le prends comme la mission particulière que les homo chrétiens ont vis-à-vis de la communauté homosexuelle dans son ensemble. C'est une belle mission, je trouve: "être envoyé auprès des siens pour leur annoncer le Christ". Pas de quoi en être malheureux, au contraire. En gros: pas de messianisme de l'homo, tout comme dans le passé l'Eglise a lutté contre d'autres messianismes. Pas de messianisme féministe, ou africain, ou de la classe ouvrière, ou de telle ou telle nationalité.

Mais surtout, l'association au Christ souffrant, dans la tradition chrétienne, n'est que provisoire: elle vise à participer plus tard à la Résurrection du Christ. Devant les Apôtres réunis dans la peur au matin de Pâques, le Christ apparaît certes comme le Crucifié, mais il porte la marque de ses souffrances comme un titre de gloire. La croix n'est plus un objet de honte mais de triomphe. C'est le sens de la fête de l'Exaltation de la Croix.

Or, dans l'état actuel des choses, le cardinal Cottier ignore totalement que des hommes et des femmes sont déjà dans la louange et l'action de grâces pour leur homosexualité. Il n'en sait absolument rien. C'est comme un médecin qui ignore qu'il y a des gens en bonne santé vu qu'il ne rencontre jamais que des malades.

Autant j'ai la plus totale compassion pour les homosexuels qui souffrent de leur état, autant je les invite à suivre le Christ jusqu'au bout et non à moitié et arriver à se voir toujours homo après leur résurrection, quand ils arriveront dans le Royaume. C'est bien de pleurer avec le Christ à Gethsémani pour dire "éloigne de moi cette coupe". Mais à un certain moment, il est bon d'avancer vers la scène où Jésus est devant Thomas l'incrédule, le Crucifié dans toute sa gloire. Or, j'ai l'impression que le cardinal Cottier maintient les homo dans le jardin de Gethsémani à perpète. C'est plutôt une Nouvelle qui est franchement mauvaise, et pas Bonne du tout du tout.

Autre exemple: les homosexuels ne peuvent pas être autre chose que des êtres "immatures". C'est impossible, dit le cardinal. Les hétéro sont parfois immatures, et il faut le vérifier au cas par cas, sous-entend le cardinal. Mais les homo les sont par contre toujours. Il n'arrive pas à imaginer qu'un homosexuel soit en équilibre avec sa sexualité (ou unifié pour reprendre une expression plus spirituelle), qu'il sache se voir positivement. Ou qu'il en soit heureux et même qu'il remercie Dieu pour cette grâce.

Il me semble donc urgent de demander aux évêques et aux autorités romaines de rencontrer des Catholiques homosexuels en chair et en os, des vrais, pas juste les souffrants qui viennent leur demander de l'aide en pleurant. Et pas de rencontrer seulement ceux pour qui le fait d'être homo est encore une souffrance insupportable.

Que l'ensemble des homosexuels soient défini par ceux qui en souffrent est aussi intellectuellement pauvre que le fait, pour un médecin, de définir l'humanité uniquement à partir de ce qu'il sait des malades. Sommes-nous gouvernés par des Docteurs Knock?

Et je connais tel ou tel groupe d'homo catholiques qui mettent tellement en avant leur participation aux souffrances du Christ qu'on se demande s'il y a la moindre chance qu'un jour ils passent du Vendredi Saint au Matin de Pâques. J'en connais même qui admireront (envieront?) plus un homo souffrant dans la douleur plutôt qu'un autre qui vit dans la louange et le bonheur. Drôle d'attitude spirituelle...

Enfin troisième point, clairement, de la part du cardinal Cottier, l'Eglise n'a rien à recevoir de bon de la part des homosexuels. Ils ne sont qu'un danger, une menace à écarter avec fermeté (mais avec charité). On le voit dans le fait que des candidats homo au sacerdoce doivent absolument, selon lui, être écartés de manière certes douce et humaine, mais sans hésitation. C'est pour leur bien et pour le bien de toute l'Eglise.

Il est clair (et l'ignorer c'est intellectuellement se fermer les yeux), que la Maison Pontificale actuelle a une trouille majeure de la pédophilie et de l'éphébophilie. Et que ces deux phénomènes sont pour elle intrinsèquement liés à l'homosexualité. Elle le dit clairement dans la bouche du cardinal: On évitera, ensuite, des désastres comme on en a eus. Je voudrais ajouter une chose dont on parle beaucoup - trop peut-être, je ne sais pas - de la pédophilie et de l’homosexualité. Car il y a un mot qui ne vient jamais et qui est pourtant important - quand on voit le travail que font les prêtres - , c’est le mot « éphèbophilie ». Ce n’est pas la « pédophilie », qui s’en prend aux petits enfants, mais l’amour des adolescents. Or, c’est un âge très ambigu et décisif pour l’existence de chacun. Et je crois que c’est une forme assez répandue d’homosexualité [c'est moi qui souligne]. Je crois qu’on a raison de mettre en garde, parce que les familles confient à des prêtres des adolescents - scoutisme, patronages, colonies, pèlerinages -: là, ces jeunes gens doivent être absolument respectés.

Sur ce point également, il faut apprendre aux hommes qui travaillent pour le Magistère qu'ils se trompent: non, l'homosexualité n'est pas la porte ouverte à la pédophilie ou à l'éphèbophilie. Non, la pédophilie et l'éphébophilie ne sont pas des formes d'homosexualité, ni même des conséquences inévitables de l'homosexualité. Non, les homosexuels ne doivent pas être tous rejettés parce qu'une toute petite minorité d'entre eux (statistiquement dans la même proportion que les hétéro) sont attirés génitalement par les petits garçons ou les adolescents (tout comme certains hétéro bandent pour les petites filles ou les lolita adolescentes). Non, ce n'est pas ouvrir la Boîte de Pandore que de dire du bien des homosexuels et de ce qu'ils pourraient apporter au monde et à l'humanité.

Les propos du cardinal constituent bien de l'homophobie au sens technique du terme. Les autorités de l'Eglise ont bien sûr le droit et le devoir de prendre des mesures qu'ils jugent bonnes pour l'Eglise et pour les baptisés. Et merci à eux de le faire pour nous tous. Mais celles qui concernent les homosexuels sont homophobes.

Comprenez-moi bien: je n'ai pas de rancune. Je vois bien que le cardinal Cottier est un brave homme, qu'il est sincère et y croit de tout son coeur (et je ne le dirais pas de certains homophobes qui cherchent à faire carrière dans l'Eglise). Bien sûr que je vois qu'il a passionément à coeur les intérêts de l'Eglise Catholique et de tous les baptisés. Et clairement, c'est une évidence pour moi, il aime les homosexuels (tel qu'il les voit) avec une charité paternelle et toute évangélique. Hélas, il se plante totalement et il fait un tort immense aux homosexuels.

Il s'en défend, mais c'est un homophobe pour trois raisons: il n'écoute pas ce que les homosexuels ont à dire d'eux-mêmes (et notamment qu'ils existent autrement que comme des hétéro malades ou déficients), il n'entend pas qu'ils ont déjà rencontré le Christ Ressuscité (et pas seulement le Crucifié) et il ne sait pas tout le bien que les homo apportent, ont apporté et apporteront à l'Eglise (aux jeunes, aux enfants, aux familles, à tout le monde).

Pour vous montrer ce que j'aimerais à la place de l'attitude actuelle, revenons sur la lettre du père Timothy Radcliffe, ancien Maître Général des Dominicains (et théologien de renom, sans parler d'une connaissance rare de l'ensemble de l'Eglise). Il écrivait à quelques jours de distance du cardinal Cottier (en novembre 2005) et il a de la vocation sacerdotale une toute autre vision que le cardinal. C'est moi qui ai mis les caractères gras:

La vocation sacerdotale est un appel de Dieu. Il est vrai que cet appel, comme l’affirme le document [ndlr: romain sur les candidats au sacerdoce], « est reçu par l’Église, dans l’Église et pour le service de l’Église », mais c’est Dieu qui appelle. Ayant travaillé avec des évêques et des prêtres diocésains et religieux de par le monde, je n’ai aucun doute que Dieu appelle des homosexuels au sacrement de l’Ordre et il s’en trouve que je range parmi les prêtres les plus engagés et les plus impressionnants que j’aie connus. Ainsi, aucun prêtre convaincu de sa vocation ne devrait considérer que ce document le classifie comme anormal. Et nous pouvons présumer que Dieu continuera d’appeler des homosexuels aussi bien que des hétérosexuels à la prêtrise parce que l’Église a besoin des qualités des deux.

Voilà qui est intellectuellement plus satisfaisant ! Voilà une vraie Bonne Nouvelle, là où le cardinal Cottier n'exprimait qu'une Mauvaise Nouvelle.

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