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Un Blogue CathoGay
2 septembre 2006

320. le zèle louche

Vaincre le mal, c'est aimer le pécheur, dit-on, car l'amour est la meilleure aide à lui apporter pour qu'il se convertisse et qu'il (re)devienne un frère. Le meilleur combat contre la violence et le mal, c'est d'aimer. C'est l'essence même du message pastoral de Jésus. Rien de neuf dans ce que j'écris là.

Et si l'homosexualité n'est pas un péché (du moins dans la doctrine officielle catholique, il faut le souligner), l'homophobie, par contre, l'est bel et bien. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la hiérarchie (depuis le pape jusqu'aux prêtres, tous les hiérarques) n'aiment pas du tout de se voir traiter d'homophobes. Ils savent (intellectuellement) que ce n'est pas moralement bien d'être homophobe et que c'est un péché aux yeux de Dieu.

Ceci étant dit, après ce petit préambule doux-amer, comment convertir le pécheur sinon en commençant par le comprendre? En tentant de découvrir ses motifs ou ses raisons.

Il y a bien sûr l'homophobie né du traumatisme d'avoir été sexuellement maltraité par un homme, en particulier par un adulte qui a abusé de sa séduction. C'est le même schéma que les sexistes qui détestent toutes les femmes sauf leur mère... parce qu'ils n'arrivent pas à détester leur mère alors qu'ils devraient peut-être... Et j'ai déjà rapporté dans ce blogue des études montrant que le viol d'autres hommes, d'adolescents ou d'enfants était bien plus souvent le fait d'hétéro que d'homo.

Et puis il y a l'homophobie comme effet de mode ou tremplin de carrière. Que ce soit une carrière politique ou ecclésiastique. Un peu comme le fait qu'il est de bon ton d'être raciste pour récolter des voix d'extrême-droite, alors qu'on sait très bien que ces préjugés sont sans fondement. Une des mes taupes sur la colline vaticane me dit qu'il n'y pas moyen aujourd'hui de devenir évêque sans avoir publiquement tenu des propos homophobes light, surtout dans les média.

J'ai lu aussi des choses sur l'homophobie comme abcès de fixation, c'est à dire une sorte de phénomène du bouc émissaire, qui permet de fixer dans l'imagination toutes les haines, les frustrations, les colères qu'on pourrait avoir en général, contre le monde entier mais personne en particulier. C'est assez poujadiste, et des tas de catégories humaines en ont fait les frais (les Juifs, par exemple). Il s'agit d'une sorte de messianisme à l'envers, comme l'ont expliqué plein de penseurs: "je serai sauvé quand j'aurai répandu le sang de mon bourreau".

Mais il y a aussi l'homophobie qui cache les propres combats intérieurs de l'homophobe, et dans le cas de beaucoup de Catholiques (surtout dans la Hiérarchie), je me demande de plus en plus si l'on peut éluder cette hypothèse comme purement farfelue.

Pour prendre la chose avec humour, je vais vous faire une sélection (traduite) d'un article amusant de Philip Slater dans le Huffington Post, une parution qui a une ligne générale plutôt acide mais avec intelligence et beaucoup de clairvoyance, je trouve. Ce sont souvent des commentaires à la louche plutôt qu'à la petite cuillère et le trait est à la limite de la caricature. Pourtant, ça aide à réfléchir.

Dans la mesure du possible, je mettrai les propos mêmes de l'auteur en italique.

Ainsi, Philip Slater commence en se disant que les protestataires protestent un peu trop pour être honnêtes. Les homophobes devraient savoir, dit-il, que leurs réactions montrent d'abord à tout le monde que leurs propres désirs sexuels sont exceptionnelement forts (unusually strong), et que, les pauvres (poor devil), ils ont dès lors du mal à les tenir sous contrôle.

Car des hommes et des femmes qui sont à l'aise dans leur hétérosexualité ne sont pas sans cesse obsédés par le fait d'écraser l'homosexualité. C'est normal: les gens équilibrés mentalement (non-neurotic) s'en fichent de ce que les autres font dans l'intimité de leurs demeures. Les hétéro normaux ne passent pas leurs soirées du samedi à hanter les abords de bars gay pour s'en prendre aux homo... parce qu'ils sont de sortie avec les dames. Et ce n'est absolument pas un hasard si tellement d'homophobes sont aussi des mysogynes.

Et là, il cite une petite étude qui vaut son pesant d'or: en 1996, une recherche a exposé deux groupes d'hommes (des homophobes et des homophiles) à des images sexuellement explicites de scènes hétéro, d'hommes homo et de lesbiennes, et alors que les deux groupes ont eu des érections en réponse aux images hétéro et lesbiennes, seuls les homophobes ont été génitalement excités par la vue d'homo en situation sexuelle, confirmant l'hypothèse que les homophobes protestent trop fort pour être honnêtes. Et le premier qui me retrouve les références de cette étude peut me demander, disons, beaucoup...

J'aurais bien voulu assister à ces recherches... mais c'est une autre histoire....

Philip Slater continue son article en parlant du rapport entre majorité et minorités dans une société, et de la difficulté pour beaucoup de reconnaître qu'ils font partie d'une minorité (parfois mal acceptée) et qu'ils préfèreraient faire partie de la majorité.

Mais surtout, il évolue vers une notion intéressante, celle que, chez tout homme, il y a aussi une sorte de "majorité et de minorité intérieures" et que nous ne sommes pas des êtres uni-dimensionnels mais multi-dimensionnels. Ainsi par exemple, il y a une part de femme en chaque homme et une part d'homo en chaque hétéro. Mais tant que cette part est confortablement installée, elle est un enrichissement pour la personne. Mais si la "minorité mentale" est ressentie comme menaçante ou risquant de supplanter la "majorité mentale", alors la personne en question peut se mettre à devenir violente pour ceux qui, dans la société, représentent cette tendance interne qui risque de l'envahir.

En gros, c'est l'homme intérieur que je déteste en moi que j'attaque à l'extérieur de moi.

Il cite ainsi le cas, pendant la Guerre du Vietnam (les guerres s'écrivent toujours avec des majuscules en anglais), où des soldats américains ont tiré sur des Vietnamiens et les ont parfois abattus parce ces hommes se tenaient par la main, une démonstration habituelle d'amitié masculine dans ces pays. Pourquoi ces soldats se sentaient-ils tellement menacés? Des hommes dont la "mentalité homo intérieure" (sous-entendu, que tous les hommes hétéro possèdent) est faible n'arrivent pas à ces attitudes extrêmes...

Parfois, d'ailleurs, après des années de répression mentale dans la tête des homophobes, il arrive que ces courants intérieurs finissent par avoir le dessus. Et l'homophobe devient un activiste passionné des droits homo, tout comme le communiste rigide devient un virulent anti-communiste, ou l'athée notoire devient un croyant ardent. C'est ce qui arrive quand la "minorité intérieure" devient trop forte pour être contenue.

Evidemment, ajoute Philip Slater, c'est justement la répression des sentiments intérieurs qui les rend encore plus forts, et donc qui explique les réactions externes de plus en plus violentes. C'est alors que les gens se mettent en colère, deviennent fanatiques et, là je trouve que c'est une observation géniale, se mettent à manquer totalement d'humour, tout ça à cause de leur effort pour étouffer leur rébellion interne.

Philip Slater croit donc beaucoup au fait que nous ne soyons pas des êtres unidimensionnels, y compris en matière de sexualité. Mais il explique que une des raisons pour lesquelles certains prétendent être unidimensionnels, c'est que dans toutes les cultures il y des traits humains qui sont encouragés et d'autres découragés. Ainsi par exemple, une société de combattants va encourager plutôt les attitudes agressives et respectueuses du pouvoir, et au contraire dénigrer ceux qui adoptent des attitudes d'empathie ou d'indépendance d'esprit.

Bien sûr, beaucoup d'entre vous ont reconnu les théories qui sous-tendent ces réflexions de Philip Slater. Pour ma part, j'ai été aidé à comprendre que, derrière tout sexiste, il y a quelqu'un qui s'interroge sur sa masculinité ou même qui craint pour elle. Ainsi, un de mes collègues est connu comme un coureur de jupons notoire et sanguinaire. On pourrait, de manière simpliste, envier son succès avec les femmes et sa virilité (c'est d'ailleurs le cas de beaucoup de mes collègues masculins). Mais certaines de mes collègues se demandent si ça ne cache pas au contraire une fragilité fondamentale de sa masculinité...

De même, derrière tout homophobe, il y a quelqu'un qui se demande si cette part de lui-même (qui est physiquement et affectivement attirée par la proximité d'autres hommes) ne va pas le submerger. Les discours homophobes (et puis la violence qu'ils justifient explicitement ou implicitement) pourraient aussi s'expliquer par le chemin intérieur que ces hommes craignent ou refusent de faire.

Vous sentez bien à quel point une telle manière de réfléchir change les rapport que les homo catholiques peuvent avoir avec une Église officiellement et largement homophobe. Sans parler, à un échelon plus local, ce que cela implique de se trouver devant un prêtre ou un comité de laïcs qui expriment des idées homophobes...

Et parfois, au lieu de dire aux homophobes "n'ayez pas peur de nous les homo", il faudrait peut-être les aider à cheminer en leur suggérant (avec prudence) "n'ayez pas peur de cette part de vous-mêmes"... C'est tout autre chose comme attitude... Au lieu de l'habituel "acceptez-moi", les cathogay pourraient dire: "acceptez cette part de vous-mêmes que vous voyez en nous". Dans des termes plus spirituels (si c'est votre ligne intellectuelle), on pourrait dire aussi "acceptez cette part de Dieu qui est en nous (très fort) comme en vous (un peu)".

N'ayez pas peur, vous les sexistes, de cette part de vous-même qui est féminine. Retrouvez-là grâce aux femmes. Et vous les homophobes, n'ayez pas peur de cette part de vous qui est attirée (affectivement ou physiquement) par la proximité d'autres hommes. Découvrez-là grâce aux homo.

Réduire la violence homophobe (verbale ou physique) dont beaucoup d'entre nous sont victimes (notamment les cathogay), c'est donc, à mon sens, comprendre l'homophobie. Et je suis particulièrement content d'être tombé sur cet article de Philip Slater.

PS - Un visiteur bien informé, Surrealatino, a trouvé entretemps l'étude dont l'auteur parlait dans l'article. On la trouve à cette adresse. Merci mille fois.

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